Publié: 16/02/2015


Root Crops Collage

Dr Martin Price, co-fondateur de ECHO, a rencontré Dr Frank Martin pour la première fois lorsque ce dernier était directeur de la Station de recherche du Ministère Américain de l’Agriculture à Mayaguez, Porto Rico. Lorsque Dr Price a commencé à ECHO, une des premières choses qu’il fit fut d’acheter un billet d’avion pour aller rendre visite à Dr Martin à Porto Rico.

Dr Frank Martin est surtout connu pour ses recherches sur la patate douce et d’autres cultures tropicales à tubercules, mais sa connaissance est beaucoup plus large que cela. Il a écrit sur de nombreux sujets, à la fois pour ECHO et pour de nombreuses revues techniques dotées d’un comité de lecture dans la communauté scientifique.

Le contenu de cette publication provient essentiellement d’une vidéo réalisée par le Dr Frank Martin; cependant, il est complété avec des informations glanées à partir d’un certain nombre d’autres sources. Les références pour ces sources sont énumérées dans la section des références. Les citations pour chaque référence comprennent l’adresse URL pour les personnes désirant obtenir des renseignements supplémentaires sur l’Internet.

PERSPECTIVE ET DISTINCTIONS

Importance des racines et tubercules

Les cultures tropicales à racines et tubercules sont consommées comme aliments de base dans certaines parties des tropiques et doivent être prises en compte pour leur potentiel à produire des rendements impressionnants dans les petits espaces. Elles offrent des choix intéressants pour la production d’aliments dans des conditions de plus en plus difficiles. Le manioc et le taro, par exemple, sont d’excellents choix pour les zones sujettes à la sécheresse ou marécageuses, respectivement. Dans ce document, les plantes tropicales à racines sont comparées pour à la fois permettre aux gens de les reconnaître et de les apprécier, ainsi que pour familiariser les lecteurs avec leurs forces et leurs faiblesses dans différents environnements tropicaux. Bien que les plantes tropicales à racines semblent d’abord être très similaires dans leurs utilisations, elles présentent des différences importantes.

Pour commencer, considérez l’ensemble du groupe des racines et tubercules par rapport aux autres groupes de plantes. Environ 30 000 espèces de plantes comestibles ont été documentées (FAO 1998). Pourtant, 90% de l’approvisionnement alimentaire du monde ne dépend que d’un petit nombre de cultures— 7 à 130 selon la façon dont les données sont analysées (FAO 1998; Prescott et Prescott 1990). Toutes les plantes comestibles peuvent être classées en plusieurs catégories en fonction de l’utilisation.

La première et la plus importante catégorie de plantes comestibles regroupe les graines de céréales, dont le blé, le riz et le maïs. Ces trois cultures fournissent plus de la moitié de l’énergie alimentaire dans le monde (calories). Les graines de céréales jouent un rôle très important dans l’alimentation. Elles contribuent à beaucoup d’énergie alimentaire sous forme d’hydrates de carbone, et sont une bonne source de vitamines B (par exemple, la thiamine, la riboflavine, la niacine et l’acide folique). 

Les légumineuses à grains constituent le deuxième groupe le plus important. Les légumineuses à grains produisent une graine comestible, et comprennent les haricots et de leurs proches comme le soja. Dans ces cultures la teneur en protéines est beaucoup plus élevée. La teneur en glucides est également importante, mais pas aussi élevée que dans les céréales. Certaines légumineuses à grains ont une teneur en huile qui est une autre source importante de calories. La teneur en vitamine B est très bonne, et parfois la teneur en vitamine E est également importante. Les légumineuses à grains sont des aliments de musculation qui peuvent être consommées comme un substitut à la viande quand elles font partie d’une alimentation équilibrée.

Les légumes sont la troisième plus grande catégorie. Les feuilles comestibles sont un type important de légumes, et sont les plus abondantes dans les régions tropicales. Les feuilles d’au moins 4000 espèces végétales sont consommées. De tous les légumes et fruits, les légumes-feuilles sont probablement la meilleure source de vitamines A et C, de protéines et de minéraux.

Les racines et tubercules sont également classés comme des légumes. Beaucoup de gens méprisent ces cultures et les considèrent comme des «cultures de pauvre», mais leur valeur comme culture vivrière s’étend à toutes les personnes. Les racines et tubercules fournissent principalement des glucides, des amidons et des sucres à l’alimentation, mais ils contiennent tous les autres nutriments. Souvent, ces autres nutriments compensent leur état nutritionnel autrement relativement pauvre. Comme un aliment énergétique, ils fournissent des calories plus que nécessaire pour l’exécution des tâches liées à l’agriculture telles que la plantation et le désherbage; au moins 4000 kilocalories sont nécessaires pour une journée complète de travail agricole diligente (EDN 121). En outre, les feuilles de certaines de ces cultures, comme expliqué plus loin dans ce document, sont comestibles et fournissent des protéines, des minéraux et des vitamines (Hahn 1984). Voir FAO 1990 pour des informations détaillées sur la qualité nutritionnelle des plantes tropicales à racines et tubercules.

Distinctions botaniques

Les racines et tubercules se ressemblent beaucoup et peuvent être difficiles à distinguer. Cependant, d’un point de vue botanique, la distinction est simple. Même si la plupart des racines et tubercules se développent sous le sol, ils diffèrent en termes de leur provenance. La racine est un organe de stockage élargie qui vient du tissu racinaire, tandis que le tubercule est un organe de stockage élargie qui vient du tissu de la tige. Dans ce document, les racines et les tubercules sont classés ensemble du fait de leurs usages similaires, indépendamment de la distinction botanique.

Les racines et les tubercules sont à la fois des sources et des réservoirs d’énergie (principalement sous la forme d’amidon) pour la croissance de la plante elle-même. On les trouve le plus souvent dans les plantes qui doivent passer par une longue saison sèche.

Sur deux ou trois mille racines et tubercules comestibles existants, seulement environ 25 espèces sont considérées comme d’une importance primordiale. Comme exemples, nous avons la pomme de terre, la patate douce, le manioc, l’igname et les aracées. L’importance de ceux-ci varie selon les régions. Le manioc, par exemple, ne fournit que 1,6% des calories à base de plantes dans le monde; cependant, il représente plus de la moitié des calories d’origine végétale en Afrique centrale (FAO, 1998). Chacune de ces cinq importantes plantes à racines et tubercules susmentionnées seront abordées ci-dessous, avec des informations données sur les cycles de vie, la multiplication et le stockage, l’utilisation des feuilles, et la transformation des aliments.

CULTURES INDIVIDUELLES

La pomme de terre, Solanum tuberosum

ECHO Tech Note #81 (Root Crops) - Figure 1 Figure 1: Tubercule de pomme de terre. Photo par le personnel de ECHO.

Il peut sembler un peu hors de propos de citer la pomme de terre (Fig. 1) parmi les plantes tropicales à racines, et pourtant la pomme de terre est une culture tropicale. Elle tire ses origines dans les hautes terres tropicales fraîches. Elle s’est dès lors étendue à d’autres parties du monde, où elle est maintenant encore plus importante que dans les régions tropicales. Néanmoins, certains grands producteurs de la pomme de terre se trouvent dans les régions tropicales. Dans les hauts plateaux du Pérou et de l’Équateur, les pommes de terre sont un aliment de base et sont produites pour l’ensemble du pays.

Cycle de vie, multiplication et stockage

La pomme de terre se développe très rapidement, et a la plus courte saison de croissance parmi les racines et tubercules décrits dans ce document. Certaines pommes de terre peuvent être cultivées en deux mois seulement. Cependant, les pommes de terre ne sont pas faciles à cultiver dans les régions tropicales parce qu’elles ont beaucoup de problèmes de maladies et d’insectes; cela est surtout un problème pour une culture qui se propage à partir de ses racines. Les pommes de terre découpée en semences spéciales peuvent être cultivées dans des conditions qui les gardent plus ou moins à l’abri des virus et insectes nuisibles, mais elles sont difficiles à obtenir et à cultiver dans les régions tropicales. Lorsque les pommes de terre découpée en semences sont cultivées dans les régions tropicales, elles sont cultivées dans les parties les plus élevées et les plus froides où des pommes de terre peuvent être cultivées. La plupart des pays dans les régions tropicales ne produisent pas leurs propres pommes de terre à partir de semences; au contraire, ils les importent d’autres régions comme la Hollande. Les pommes de terre peuvent être stockées pendant quatre à cinq mois si elles sont conservées dans des conditions froides, sombres, humides et ventilées (Hunt 1985).

Les feuilles

Les feuilles de la pomme de terre contiennent un poison appelé solanine. Elles ne doivent pas être consommées..

Transformation

L’amidon peut être obtenu en écrasant les pommes de terre, en mettant cette matière écrasée dans l’eau, et en l’agitant. L’amidon se sépare de l’autre matière cellulaire et se dépose au fond du récipient, après quoi l’eau (avec d’autres matières provenant des cellules) peut être jetée. Un amidon très propre peut être obtenu en répétant ce processus plusieurs fois et en laissant à chaque fois l’amidon se déposer au fond.

La farine peut être faite à partir de l’ensemble du tubercule de la pomme de terre. Pour faire de la farine, on peut soit cuire, écraser, et sécher la matière; râper, blanchir, puis sécher; ou tout simplement moudre et sécher sans cuisson. La farine de la pomme de terre peut être faite industriellement; habituellement une substance antioxydant est ajoutée au mélange pour empêcher l’oxydation et la production de couleurs jaunâtres.

Le manioc, Manihot esculenta

Le manioc peut être cultivé presque partout dans les régions tropicales, mais il est très sensible au gel. Le manioc peut survivre dans des conditions sèches pour une très longue période de temps et encore continuer à donner une bonne récolte. Il peut avoir un rendement extrêmement élevé.

Cycle de vie, multiplication et stockage
ECHO Tech Note #81 (Root Crops) - Figure 2 Figure 2: Bouture de tige de manioc. Photo par Tim Motis.

Le manioc est propagé à partir d’un morceau de la tige (Fig. 2), d’environ un pied de long et assez épais. Le bâton de manioc est soit enterré dans le sol ou placé dans le sol à un angle, avec environ un tiers au-dessus du niveau du sol. La tige est élastique et se conserve bien. Même dans des conditions relativement pauvres du sol, la tige finira par produire des racines, et certaines de ces racines produiront du manioc.

Le manioc prend beaucoup de temps pour mûrir. Quelques variétés peuvent être récoltées en huit mois, mais la récolte après une année n’est pas considérée comme trop tardive. Certaines variétés sont récoltées après une année pleine et demie.

Le manioc est d’une flexibilité unique, car il peut rester dans le sol dans un état de vie pendant une très longue période de temps et peut ensuite encore être utilisé comme aliment. Cependant, une fois récolté, il a une durée de conservation très limitée; il commence à se détériorer environ une semaine après sa récolte, de sorte qu’il doit être consommé ou transformé très rapidement. Le séchage, la couverture avec de la sciure et même la congélation sont des moyens utilisés pour prolonger le temps de conservation des racines (Commission du Pacifique Sud 1995).

Les feuilles

La feuille de manioc est toujours lobée, ayant partout 3-13 lobes (Fig. 3). Il y a généralement beaucoup de nœuds sur la tige d’où les vieilles feuilles sont tombées. Les feuilles sont fréquemment consommées, en particulier l’extrémité tendre des tiges et les jeunes feuilles.

Lorsque les caractéristiques nutritionnelles des feuilles de manioc ont d’abord été mesurées, elles se sont révélées être très riches en protéines. Elles semblaient être une très bonne nourriture pour les personnes qui ne recevaient pas suffisamment de protéines. Depuis lors, il a été démontré que la feuille de manioc a d’autres substances appelées composés phénoliques qui se combinent avec la protéine; lorsque les feuilles sont mâchées, la protéine tend à se joindre à ces composés phénoliques et une bonne partie de la protéine devient inaccessible. Cela signifie que la feuille de manioc n’est pas aussi nutritionnellement souhaitable que cela pourrait paraître. Cependant, les feuilles de manioc sont produites dans des conditions de sécheresse, les rendant disponibles comme un légume dans des circonstances dans lesquelles les gens peuvent ne pas avoir d’autres options.

Tous les maniocs contiennent des composés qui sont une forme liée de cyanure d’hydrogène, mais dans les feuilles ceux-ci sont libérés assez rapidement par la cuisson. A moins que vous mangiez les feuilles crues, la présence de ces glycosides cyanhydriques n’est pas un problème grave.

Transformation

Les racines de manioc sont longues et étroites. Elles peuvent atteindre 3 pieds (91 cm) ou plus de longueur, et peuvent avoir jusqu’à 6 pouces (15 cm) de diamètre. Une taille commercialisable varie entre ½ et 2 ½ pouces (4-6 cm) de diamètre et de 1 à 2 pieds (30 à 61 cm) de long.

Certaines racines de manioc contiennent des quantités importantes d’acide cyanhydrique. Elles sont appelées manioc amer. Les racines de manioc avec des quantités relativement faibles d’acide cyanhydrique ne sont pas considérées comme dangereuses et sont désignées comme du manioc doux. En réalité, la distinction n’est pas si simple. Les variétés de manioc ont des quantités variables d’acide cyanhydrique, le long d’un gradient. Les variétés de manioc avec des quantités élevées d’acide cyanhydrique sont très toxiques et nécessitent un traitement particulier, y compris souvent un processus de fermentation avant la consommation. Avec des variétés «douces», une cuisson normale permettra de réduire l’acide cyanhydrique à un niveau sûr. Une façon courante de faire cuire le manioc doux est de peler et laver les racines, les couper en morceaux puis les faire bouillir dans de l’eau (La Commission du Pacifique Sud 1995 contient plus d’informations sur la cuisson du manioc).

Le manioc peut être utilisé pour faire de la farine ou de l’amidon, un bon usage pour les variétés amères car elles ont tendance à être plus résistantes aux ravageurs et au virus de la mosaïque que les variétés douces. Les racines sont fermentées avant d’être séchées puis broyées pour faire de la farine utilisée pour le pain et le fufu. Pour obtenir l’amidon, les racines fermentées sont râpées, mélangées avec de l’eau, filtrées et ensuite on laisse l’amidon se déposer au fond. L’amidon peut alors être utilisé pour faire du tapioca. Dans un procédé, l’amidon humide est séché sur du feu au-dessus d’une plaque métallique; pendant le séchage, les petits grains d’amidon ont tendance à s’accumuler et se coller les uns aux autres, ce qui donne les petites boules de tapioca. Dans un autre procédé, l’amidon humide est déroulé, coupé en morceaux et roulé en boules de tapioca.

Patate douce, Ipomoea batatas

La patate douce a un rendement formidable et a un grand potentiel dans les régions tropicales. Cependant, parmi les racines et tubercules, les patates douces sont probablement les plus sensibles aux insectes ravageurs, y compris certains qui sont très spécifiques à la patate douce elle-même. Le plus grave d’entre eux est le charançon de la patate douce, qui se trouve partout dans le monde et a limité le potentiel de la patate douce. La patate douce est souvent cultivée en rotation avec le riz et le sorgho; c’est seulement en cultivant la patate douce une fois tous les cinq ans dans un champ qu’on peut réussir à briser le cycle de vie du charançon (Infonet-Biovision 2012).

Cycle de vie, multiplication et stockage
ECHO Tech Note #81 (Root Crops) - Figure 4aECHO Tech Note #81 (Root Crops) - Figure 4bFigure 4: Bouture de la patate douce avec des feuilles jointes (en haut), puis taillée (en bas) et placée dans une fossé peu profonde avant de recouvrir avec de la terre. Photos par Tim Motis.

Dans les régions tropicales, la patate douce est généralement propagée à partir des boutures (Fig. 4). Les plantes peuvent être espacées de 30 à 38 cm en rangées séparées de 1 m. Une fois qu’une plante est bien établie, vous pouvez propager d’elle et ensuite propager de nouveau des nouvelles boutures. Cependant, il peut être difficile de maintenir des boutures pendant toute l’année. Lorsque la saison des pluies est relativement courte et la saison sèche longue, un agriculteur trouvera souvent que quand il veut planter des patates douces, il ne peut pas obtenir suffisamment de boutures pour sa plantation. Dans l’idéal, les plantes de patate douce devraient être maintenues dans de bonnes conditions pendant toute l’année; cela est bon en théorie, mais impossible pour de nombreux petits agriculteurs qui n’ont pas la capacité d’irriguer correctement. 

En moyenne, il faut à la patate douce environ quatre mois et demi pour atteindre une taille exploitable. Cependant, certaines variétés peuvent être récoltées en aussi peu de temps que trois mois. Il y a aussi des endroits dans le monde, tels que les hautes terres de Papouasie-Nouvelle-Guinée, où les patates douces sont cultivées durant neuf ou dix mois (en raison soit de la variété ou du climat). Contrairement à d’autres racines et tubercules, les patates douces n’atteignent jamais la véritable maturité. Dès que vous creusez dans le tubercule, vous pouvez le replanter et il va commencer à produire des germes qui, une fois qu’elles ont des feuilles et des racines, peuvent être coupées du tubercule et plantées.  

Une fois que la patate douce a été récoltée, les tubercules ont une durée de conservation normale très courte. Dans les régions tropicales, la patate douce ne peut généralement pas être stockée pendant plus de trois à quatre mois (1998b de la FAO, qui contient des informations sur les pratiques de stockage idéales pour la patate douce et d’autres racines et tubercules).

Les feuilles

La patate douce a une feuille simple qui est souvent lobée mais peut être unique (c’est-à-dire, sans lobes) (Fig. 5). De nombreuses variétés ont des lobés intermédiaires.

ECHO Tech Note #81 (Root Crops) - Figure 5 Figure 5: Feuillage de patate douce avec variation de la forme des feuilles. Photos par Larry Yarger.

Dans certains pays à travers le monde, les feuilles de patate douce sont un légume important, étendant l’utilité de la plante. Seules les extrémités tendres et les jeunes feuilles doivent être consommées; dans une bouture poussant rapidement, vous pouvez récolter un morceau de 4 ou 5 pouces (10-13 cm) de l’extremité.

La famille des plantes de patate douce contient une quantité d’acide oxalique supérieure à la normale. L’acide oxalique est un sujet de préoccupation, car il se combine avec le calcium libre pour donner le composé d’oxalate de calcium. Ce composé n’est pas soluble, et le calcium se perdra dans le corps alors que l’oxalate de calcium est excrété. Lorsque vous récoltez seulement les extrémités tendres, vous évitez les feuilles qui ont la plus forte concentration d’acide oxalique. Même ainsi, ne faites pas des feuilles de patate douce votre seule source d’alimentation.

Transformation

Le tubercule de la patate douce (Fig. 6) est utilisé des manières que vous savez probablement déjà. Les blancs sont utilisés comme une pomme de terre. Les patates douces à chair orange sont souvent utilisées dans les aliments de dessert, y compris les petits gâteaux et les patates douces confites.

ECHO Tech Note #81 (Root Crops) - Figure 6 Figure 6: Tubercules de patate douce. Photo par Emily Iverson, stagiaire à ECHO.

Les tubercules de la patate douce ne contiennent pas de matières toxiques d’une grande conséquence sur l’alimentation humaine, d’autant plus qu’ils sont presque toujours cuits avant d’être consommés. Lorsqu’ils sont consommés crus, cependant, les tubercules de la patate douce conservent des inhibiteurs de la trypsine, qui inhibent l’utilisation des enzymes qui digèrent la viande.

En outre, les patates douces qui sont attaqués par les insectes et les maladies ont des problèmes particuliers. Lorsque vous coupez une patate douce qui est un peu endommagée à l’intérieur par des insectes, après 10 ou 15 minutes, vous remarquerez que les zones autour de l’endroit endommagé par les insectes se sont noircies, et le noircissement augmentera avec le temps. (Une patate douce saine coupée va se noircir très peu.) Ce noircissement de la chair indique que les substances de protection de lésions se sont diffusées d’une zone qui a déjà été endommagé par un insecte. La plupart des substances ne sont pas nuisibles—juste des substances phénoliques normales qui  sont sujettes à l’oxydation lorsqu’elles sont exposées à l’air. Cependant, une autre classe de matières très toxiques comme le terpène sont produites dans la patate douce contre les attaques des insectes. Pour cette raison, les humains et les animaux doivent éviter de consommer des patates douces qui sont fortement endommagées par des insectes. Si vous avez très faim et avez seulement des patates douces qui sont endommagées par des insectes, coupez soigneusement et en profondeur le tissus endommagés par les insectes, y compris certains de ceux qui ressemblent à de bons tissus, afin d’éviter les composés toxiques. 

Les patates douces peuvent être utilisées pour faire de la farine, mais pas très facilement. Le tubercule de la patate douce contient une concentration élevée de sucres très réactifs. Ces sucres se joindront aux acides aminés et aux protéines pour créer des substances qui sont très désagréables; elles sont brunâtres ou noirâtres, et ont une odeur et un goût très mauvais. Plus d’une personne a été très déçue de faire de la belle farine de patate douce et, en la préparant, ont trouvé le produit complètement gâché.

Pour faire de la farine de patates douces, des mesures très spéciales sont nécessaires. Le livre de recettes de patate douce (The Sweet Potato Cookbook, Martin et. Al., 1989) décrit un procédé de fabrication de la farine à partir des variétés blanches ou jaunes pâles non sucrées (ou seulement légèrement sucrées). Les étapes sont les suivantes:

  1. Les patates douces sont pelées et coupées pour enlever la peau et toute partie endommagée ou non désirée.
  2. Les patates douces sont déchiquetées (pas moulues) aussi finement que possible, et les lambeaux sont chargés sur des plateaux d’environ 1,5 pouces (4 cm) d’épaisseur.
  3. Les plateaux sont immergés dans l’eau, suffisamment pour couvrir toutes les parties. L’eau doit être changée après une demi-heure, et de nouveau après la deuxième demi-heure. Après la troisième demi-heure, les plateaux sont retirés [de l’eau] et on les laisse s’égoutter. [Il est possible de récupérer l’amidon dans l’eau de trempage en laissant reposer l’eau jusqu’à ce qu’elle s’éclaircisse, verser l’eau avec précaution, puis sécher l’amidon au soleil. Dans How the Farmer Can Save His Sweet Potatoes and Ways of Preparing Them for the Table (Comment l’agriculteur peut conserver ses patates douces et comment il peut les préparer pour le repas) (1937), George Washington Carver a déclaré que l’amidon de la patate douce peut être utilisé dans la cuisine de la même manière que l’on pourrait utiliser la fécule de maïs.]
  4. Les plateaux sont ensuite placés dans un endroit aéré à l’ombre, où l’air ambiant peut pénétrer. Ils sont laissés pendant une nuit durant 16 à 20 heures.
  5. Les plateaux sont ensuite placés en plein soleil dans un endroit aéré aussi longtemps que nécessaire. Sinon, cette étape de séchage final peut être effectuée dans un four à très basse température. Qu’ils soient séchés au soleil ou dans un four, les lambeaux doivent être saupoudrés sur les plateaux pour un séchage uniforme. Tous les lambeaux doivent être casants avant la fin du séchage.
  6. Les lambeaux secs sont emballés dans des sacs ou des contenants en plastique. Ils peuvent également être broyés, environ deux tasses à la fois, dans un mixeur de cuisine. La farine peut être tamisée, si on veut, et les éléments grossiers peuvent être broyés de nouveau.
  7. La farine obtenue est prête à l’emploi et doit être stockée dans des récipients hermétiques.

Vous pouvez obtenir plus d’informations dans un petit document intitulé Making Sweet Potato Chips and Flour (Fabrication de frites et de farine à base de patate douce) (Asia 2010).

L’igname, Diascorea spp.

Bien que le manioc soit cultivé plus largement que les ignames, les ignames ont le potentiel de produire plus que le manioc. Les ignames préfèrent une longue saison humide avec environ 1 500 mm de précipitations (Tindall 1983); Toutefois, elles poussent dans un large éventail de climats et sont considérablement tolérantes à la sécheresse. L’igname offre une très bonne nourriture qui est appréciée par presque toute personne qui l’essaye (à la différence des patates douces, que certaines personnes n’aiment pas dès la première fois).

Bien qu’il n’existe qu’une seule espèce de patate douce, une espèce de manioc, et plusieurs de pomme de terre, il y a 60 espèces d’ignames comestibles. Parmi celles-ci, dix sont cultivées comme cultures. Diascorea bulbifera (pommes en l’air), D. alata (igname d’eau, igname ailée et igname violette) D. rotundata (igname blanche), et D. cayenensis (igname jaune) sont cultivées comme cultures principales.

Espèces de première importance

La pomme en l’air (D. bulbifera) est connue pour ses tubercules aériens supportés sur des vignes.  D. bulbifera se produit dans de nombreuses régions tropicales et subtropicales, avec des variétés domestiques originaires d’Afrique et d’Asie. Tant les tubercules souterrains et aériens de variétés domestiques sont comestibles, avec quelques variétés produisant des rendements impressionnants de 17,000 livres/acre (19,054 kg/ha) (Toensmeier 2007). Dans Tropical Yams and Their Potential, Part 2 (Ignames tropicales et leur potentiel, Partie 2), le Dr Frank Martin écrit:

Le potentiel de D. bulbifera est sans aucun doute dans le jardin familial, où sa santé et sa vigueur témoignent de son développement ... En raison de leurs rendements potentiellement élevés, [les vignes] pourraient être de très bons producteurs de chair comestible et d’amidon.

ATTENTION: Malheureusement, en raison de leurs feuilles attrayantes en forme de cœur, des formes sauvages de la pomme en l’air—avec des tubercules toxiques – ont été introduites dans le sud des États-Unis et ailleurs. Les vignes à croissance rapide de ces formes sauvages évincent la végétation indigène, étouffant des arbres entiers. Pour plus d’informations sur la différence entre les formes sauvages et domestiques de la pomme en l’air, consultez la publication mentionnée ci-dessus, Tropical Yams and Their Potential, Part 2 (Ignames tropicales et leur potentiel, Partie 2) (Martin 1974).

L’igname d’eau (D. alata) est souvent ce à quoi les gens font allusion en parlant des «ignames». À la différence des tiges rondes de la pomme en l’air, l’igname d’eau a des axes carrés avec des crêtes décrites comme des ailes (Fig. 7). C’est pour cela qu’elle est souvent désignée comme «l’igname ailée». Etant très répandue, avec de nombreuses variétés cultivées, elle est la plus importante des espèces d’ignames cultivées. Les tubercules peuvent devenir très gros, atteignant 9 kg ou plus, avec des rendements satisfaisants allant de 40 à 50 tonnes/ha. Certaines variétés produisent des tubercules de couleur pourpre et/ou des tubercules aériens (atteignant 5 X 10 cm en taille; Toensmeier 2007). Comme avec ceux souterrains, les tubercules aériens sont comestibles et peuvent donner naissance à de nouvelles plantes. Voir Tropical Yams and Their Potential, Part 3 (Ignames tropicales et leur potentiel, Partie 3) (Martin 1976) pour plus d’informations.

ECHO Tech Note #81 (Root Crops) - Figure 7a ECHO Tech Note #81 (Root Crops) - Figure 7b Figure 7: Photo de la vigne de Diascoria alata (variété violette appelée ‘Ube’) sur trellis (en haut) et tubercule (en bas). Remarquez les crêtes ondulées de la vigne le long des axes carrés. Photos par Larry Yarger (en haut) et Tim Motis (en bas).

Les ignames blanches (D. rotundata) et jaunes (D. cayenensis) sont originaires de l’Afrique de l’Ouest, où on les trouve souvent dans les forêts, avec des vignes grimpant sur des arbres à la recherche de la lumière du soleil. Comme leurs noms communs le suggèrent, la chair du tubercule de D. rotundata et celle de D. cayenensis sont respectivement blanche et jaune. Contrairement à l’igname d’eau, il y a peu de variation dans la forme des tubercules; la plupart sont cylindriques et non ramifiés. Les tubercules aériens sont rares.

L’igname blanche et l’igname d’eau sont souvent cultivées ensemble. Cependant, les feuilles des ignames blanches et jaunes ne sont pas aussi douces/tendres que celles de l’igname d’eau et sont donc moins enclines à se flétrir et mieux adaptées que l’igname d’eau dans les zones où la saison des pluies est courte et imprévisible (Martin 1977). Selon Tindall (1983), l’igname blanche pousse mieux dans les sols légers et sablonneux, et nécessite une saison de croissance plus longue que l’igname d’eau. Les tubercules de l’igname blanche peuvent être récoltés 200-280 jours après la plantation; les tubercules de l’igname jaune mûrissent plus tard, entre 280 et 350 jours après la plantation. En cultivant un mélange de cultivars d’ignames blanches et jaunes, la saison de la récolte peut être allongée.

Cycle de vie, multiplication et stockage

L’igname est une culture très importante dans les régions tropicales. Cependant, il y a une caractéristique qui la rend plus difficile à cultiver que d’autres cultures de racines et tubercules: le cycle de vie de la plante de l’igname est plutôt connecté d’une manière inflexible au cycle annuel. Pendant les courtes journées de l’année (c’est-à-dire les jours avec moins de 12 heures d’ensoleillement) une plante d’igname commence à produire du tubercule au moment où la végétation commence à se déssecher. Les journées plus courtes dans les régions tropicales coïncident souvent avec la saison sèche, en particulier dans les zones proches des tropiques du Cancer (23,5° de latitude Nord) et du Capricorne (23,5° de latitude Sud). Pendant la saison sèche, la vie de la plante est maintenue dans le tubercule. Certaines ignames sont si exactes dans leur cycle de vie que l’agriculteur ne peut pas le changer, même d’une semaine ou deux. 

A l’origine, les ignames sont propagées en utilisant des morceaux de tubercules existants (appelés boutures) (Fig. 8), coupés d’une manière qui ressemble beaucoup à la manière dont les pommes de terre sont coupées. Les plus grands tubercules souterrains sont les meilleures sources de matières de multiplication. Les tubercules plus petits sont plus susceptibles d’avoir été affectés par des agents pathogènes et de passer un problème de maladie à une culture ultérieure. Si les tubercules aériens sont utilisés pour la plantation, sélectionnez les plus gros, étant donné que les tubercules aériens sont généralement plus petits et ne produisent pas des plants aussi vigoureux que les gros tubercules souterrains. L’igname peut également se propager à partir de boutures relativement nouvelles, mais le succès varie d’une variété à une autre.

ECHO Tech Note #81 (Root Crops) - Figure 8 Figure 8: Photo de tubercules de Diascoria alata (de variété violette, ‘Ube’) pour la multiplication. Remarquez les pousses sortant des tubercules. Photo par Larry Yarger. 

Un tubercule d’igname est très différent d’un tubercule de pomme de terre. Un tubercule d’igname peut avoir jusqu’à deux mètres de long! Certains se développent en forme de cône, jusqu’à un mètre de diamètre à la base et se rétrécissant vers le haut, et un mètre de hauteur de haut en bas. Un bon rendement d’igname par plante serait de 5 à 10 livres (2-5 kg). Lors des compétitions, on a constaté des ignames pesant 150 livres (68 kg) ou plus; celles-ci étaient exposées à une foire, mais elles démontrent le potentiel de l’igname à produire un très grand organe de réserve. 

Quand une igname est récoltée au bon moment (la période de maturité varie selon la variété), la plante sera déjà entrée en dormance. Le feuillage peut montrer des signes d’une maladie qui tend à se produire au cours des dernières semaines de croissance du feuillage. La plante n’est pas malade; plutôt, le feuillage a commencé à se dessécher et est vulnérable aux attaques des champignons. Dans le même temps, le tubercule se met en dormance pendant une période de temps relativement fixe qui varie selon les espèces et selon les variétés. Cela signifie que même si les morceaux d’igname sont plantés tôt, ils ne vont pousser que quand la saison va arriver. D’autre part, si les ignames sont en stockage lorsque le temps de dormance se termine, elles vont commencer à germer, même si elles ne sont pas mises en terre. 

Le cycle de vie du feuillage de l’igname est lié au cycle de vie ou à la dormance des tubercules. Les périodes de croissance et de dormance doivent s’accorder à 12 mois, de sorte que les ignames qui  se dessèchent de façon précoce ont une plus longue période de dormance que celles qui se dessèchent plus tard. Certaines ignames peuvent être récoltées au bout de huit mois, et ont tendance à être en dormance pendant quatre mois. D’autres ignames sont récoltées au bout de 10 mois et restent en dormance pendant seulement 2 mois. D’autres ignames ont une très courte période de dormance; elles prennent environ 11 mois pour mûrir dans le champ et ne peuvent être stockées que pendant environ un mois. La cause de la longueur de la période de dormance est encore difficile à expliquer, mais elle peut être liée à la durée du jour. 

Le feuillage de l’igname aime grimper. Si la plante n’est pas munie d’un treillage ou quelque chose sur lequel elle va monter, le rendement des tubercules va en souffrir. Sur la ferme d’expérimentation mondiale de ECHO en Floride, elle pousse bien dans une clairière de forêt tropicale simulée, avec des vignes qui montent sur de grands pieux.

Les feuilles

Vous pouvez reconnaître les espèces de Dioscorea par les feuilles, qui ont des nervures parallèles qui tendent à converger vers l’extrémité (Fig. 7). Cette structure particulière de la veine est assez rare chez les plantes à fleurs, mais on la trouve chez toutes les espèces d’igname. La forme des feuilles peut cependant varier. Par exemple, les feuilles seront parfois divisées en trois ou cinq lobes. Les feuilles de l’igname ne sont pas consommées (nous ne savons pas pourquoi; un apport de la part de ceux qui travaillent avec les petits agriculteurs serait  la bienvenue).

Transformation

Les ignames sont généralement consommées bouillies, servies en morceaux ou en purée. Lorsqu’elle est utilisée en morceaux, l’igname est souvent consommée dans les soupes ou les ragoûts; la purée d’igname peut être utilisée comme agent épaississant ou mise en gâteaux et frite.  

L’igname blanche (D. rotundata), est souvent cuite puis pilée dans un grand mortier avec un pilon. Cela donne une pâte gluante très flexible, qui est appelée fufu partout en Afrique occidentale. Une partie du fufu est façonnée à la main et ensuite utilisée pour ramasser la sauce pendant le repas. D’autres variétés sont parfois pilées en Afrique de l’Ouest, mais l’igname blanche d’Afrique de l’Ouest est meilleure pour le fufu. 

Les tubercules peuvent également être coupés en de minces tranches et cuites comme des frites. La friture tend à produire un goût amer, cependant, et n’est pas adapté à tous les cultivars. 

La farine d’igname est généralement fabriquée à partir de tubercules non cuits; la racine ou le tubercule est écrasée et ensuite la matière écrasée est séchée. Si un tubercule d’igname est préparé au préalable, la pâte devient très collante et difficile à manier.

Les aracées— taro, macabo, dachine, tannier: Colocasia and Xanthosoma

Les aracées comprennent deux genres principaux, Colocasia et Xanthosoma. Dans ces genres, les espèces les plus connues sont Colocasia esculenta (taro, macabo, eddo et dachine) et Xanthosoma sagittifolium (tannier, yautia et malanga). Colocasia spp. et Xanthosoma spp. sont caractérisés par le développement «d’oreilles d’éléphant» et de tiges souterraines compactes (techniquement appellées bulbes). Toutes ont des rendements beaucoup similaires, mais ont par ailleurs quelques différences importantes. 

Une variété de Colocasia, appelée “eddo,” s’est développée dans la zone tempérée. Autour de chaque plante, l’eddo a un nombre relativement important de bulbes qui commencent à se développer à un stade très précoce du développement du pied de la plante, formant une touffe. Le taro et la dachine sont deux autres variétés de Colocasia, toutes deux plus tropicales que l’eddo. La plupart des variétés de taro poussent dans les champs de riz, dans de l’eau qui coule. Le taro a un grand bulbe central et quelques bulbes latéraux plus petits. La dachine est un taro pluvial, cultivé dans des conditions non inondées.  

Le tannier est l’une de plusieurs espèces de Xanthosoma. Le tannier est similaire à l’eddo en ce qu’il produit un grand nombre de bulbes latéraux qui sont récoltées pour la consommation. Le centre du vieux bulbe est généralement récolté, coupée en morceaux et utilisée comme semences.

Cycle de vie, multiplication et stockage

Toutes les aracées ont tendance à avoir un cycle de vie similaire, mais le cycle de croissance des espèces de Xanthosoma sont les plus prévisibles. Les aracées poussent pendant la saison des pluies, et mûrissent avec le début de la saison sèche. Le feuillage commence à s’affaiblir, mais ne va pas complètement se dessécher. Ces cultures semblent répondre à des stimuli environnementaux, plutôt qu’à la lumière du jour; vous pouvez les planter (Fig. 9) à tout moment de l’année si vous pouvez réunir les conditions pour l’eau, des températures chaudes et beaucoup de soleil.

ECHO Tech Note #81 (Root Crops) - Figure 9a
ECHO Tech Note #81 (Root Crops) - Figure 9b
Figure 9: Matériel de multiplication de taro récolté (à gauche) et préparé (à droite) pour la plantation. Photos par le personnel d’ECHO.

L’eddo est la moins flexible en termes de cycle de vie, peut-être parce qu’elle a été développée en Chine plutôt que dans les régions tropicales. L’eddo répond probablement à la longueur du jour et a un cycle annuel qui correspond au calendrier.

Les feuilles

Colocasia a une feuille de peltate, ce qui signifie que le pétiole croise les feuilles un peu en dessous des lobes arrières (Fig. 10), et la feuille n’a pas de veine marginale bien définie. En revanche, une feuille du genre de Xanthosoma a le pétiole attaché là où les lobes commencent à l’arrière de la feuille, et la veine marginale est apparente. Ces deux caractéristiques aident à faire la différence entre Xanthosoma et Colocasia.

ECHO Tech Note #81 (Root Crops) - Figure 10 Figure 10: Photo de Colocascia (gauche) et Xanthosoma (droite).  Photo par Larry Yarger.

Les feuilles des eddos, dachines, taros, et tanniers sont consommées. Certaines d’entre elles sont très bonnes. Les feuilles sont au début enroulées à l’intérieur de la tige; le meilleur moment pour les récolter comme légume, c’est quand elles commencent à sortir de la tige. 

Les feuilles des aracées produisent des cristaux d’oxalate de calcium. Vous pouvez véritablement voir cela sous le microscope. Ils se produisent en faisceaux et peuvent réellement se coller dans votre bouche et vous piquer, sauf si vous utilisez seulement les très jeunes feuilles d’espèces/variétés spécifiques et que vous jetez l’eau de cuisson. Certaines variétés piquent beaucoup plus que d’autres. La brûlure est due à une blessure mécanique; si elle est désagréable, elle n’est pas toxique.

L’espèce la plus connue pour donner des feuilles comestibles est celle de Xanthosoma brasiliense, qui est en fait utilisé exclusivement pour ses feuilles. Concernant X. brasiliense, Toensmeier (2007) a écrit ce qui suit:

Comparée à d’autres aracées, elle a une très faible teneur en oxalate de calcium, bien que les feuilles doivent encore être cuites avant de les consommer. Les feuilles et les tiges sont souvent traitées comme des légumes à part, avec les tiges coupées en petites sections de ½ pouces afin qu’elles cuisent à fond --- comme vous feriez cuire la bette ou le bok choi. Si elles sont trop cuites, elles deviennent pâteuses, donc les tiges doivent être cuites séparément car elles prennent plus de temps à cuire que les feuilles. L’eau de cuisson ne doit pas être consommée. Les parties inférieures des pétioles sont trop difficiles à manger ... Dans les régions tropicales, elle va produire des feuilles tout au long de l’année. Les plantes doivent être séparées régulièrement pour les garder vigoureuses. Elles poussent bien en plein soleil sous un ombrage léger.

Une autre variété à faible oxalate est celle de Colocasia esculenta ou Taro à « tige de Céleri», qui a des pétioles comestibles pouvant être consommés crus un peu comme le céleri (Toensmeier 2007). Les feuilles doivent cependant être cuites pendant 10 à 20 minutes. Toensmeier note également que les bulbes de ce taro à «tige de céleri» ne sont généralement pas comestibles.

Transformation

Les aracées peuvent être utilisées pour fabriquer des farines. Elles ont un amidon fin qui est très facile à digérer. Le taro cultivé dans le Pacifique Sud est souvent recommandé comme un aliment de sevrage pour tous les bébés, mais surtout pour les bébés ayant des problèmes d’allergie.

Le taro du Pacifique Sud est souvent fermenté, un processus au cours duquel des organismes spécifiques fermentent en aérobiose l’amidon et libèrent l’acide lactique aigre (cette fermentation est similaire à la fermentation du sucre de lait lors de la fabrication du yaourt). La matière aigre résultante donne le célèbre poi hawaïen, pour lequel la plupart des adultes doivent prendre goût.

CONCLUSION

Tout emplacement particulier dans les régions tropicales peut être approprié pour certains de ces tubercules, mais ne sera pas adapté pour chacun d’eux. Ils ont chacun des cycles de vie et des exigences différentes, en particulier pour l’eau. Toutes ces cultures à l’exception de l’eddo et la pomme de terre sont cultivées à Puerto Rico; cependant, elles sont cultivées dans des endroits différents, avec une technique différente et avec des degrés divers de réussite dans le même pays.   

Les cultures  tropicales à racines et à tubercules ont un grand potentiel pour augmenter la production alimentaire à partir d’autres cultures. Voici quelques suggestions pratiques pour les travailleurs agricoles intéressés à explorer les racines et tubercules comme une option pour les systèmes agricoles à petite échelle:

  • Dans les zones où les agriculteurs ont de la difficulté à produire des céréales, procéder à un essai pour évaluer le potentiel de rendement de plusieurs cultures à racines et à tubercules. Soyez assez ouvert pour essayer d’autres cultures à racines, outre celles abordées dans le présent document [par exemple, le jicama (Pachyrhizus erosus; voir Note Technique n°36 pour plus d’informations)].
  • Tirez parti des possibilités de développer et d’évaluer des variétés prometteuses. Les traits à rechercher pourraient inclure une tolérance à la sécheresse, la résistance aux maladies, un rendement accru, ou des tubercules de couleur orange/jaune (un indicateur de la vitamine A).
  • Sachant que les amidons seuls ne constituent pas une alimentation complète, essayez de cultiver des racines et tubercules comestibles en combinaison avec des céréales, des légumineuses à grains et/ou des légumes. Sur la ferme mondiale d’expérimentation de ECHO, nous avons vu qu’une variété à faible croissance de niébé a bien poussé sous le couvert de plants de manioc. La patate douce pourrait être une couverture efficace sous l’igname, le manioc, ou le maïs.
  • Étudiez des moyens pour améliorer la durée de conservation de la patate douce et d’autres tubercules. Mettez l’accent sur les techniques qui sont abordables et qui peuvent facilement être enseignées et mises en œuvre. Cela pourrait impliquer le dialogue avec les agriculteurs pour étudier les moyens d’étendre la durée de conservation des cultures en apportant des modifications simples à des techniques et des pratiques qu’ils connaissent déjà. 

Toutes les plantes à racines et tubercules présentées dans ce document sont de bons choix de cultures alimentaires, et chacune a une place spéciale dans les régions tropicales.

REFERENCES

Aisia, M. 2010. Making Sweet Potato Chips and Flour (Fabrication de Frites et de Farine de Patate Douce). Apoolo Na Angor Women Development. Posté sur TECA (Technologies and practices for small agricultural producers (Techniques et Pratiques pour les agriculteurs de petite echelle); URL: http://teca.fao.org/sites/default/files/technology_files/Making%20sweet%20potato%20chips%20and%20flour.pdf)

Carver, G.W. 1937. How the Farmer Can Save His Sweet Potatoes and Ways of Preparing Them for the Table (Comment l’agriculteur peut conserver ses patates douces et comment il peut les préparer pour le repas). Quatrième Edition. Tuskegee Institute Press. (URL: http://aggie-horticulture.tamu.edu/vegetable/additional-resources/carver-sweetpotatoes/)

ECHO Development Notes 121. 2013. Rethinking a Basic Assumption in Ag Devlopment: Risk Aversion vs Hunger and Exhaustion [Repenser une idée fondamentale dans le développement agricole: Aversion naturelle au risque contre faim et épuisement] (par Tinsley, D. and D. Berkelaar). (URL: disponible en pdf téléchargeable sur www.ECHOcommunity.org)

Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO). 1990.  Roots, tubers, plantains and bananas in human nutrition (Racines, tubercules, plantains et bananes dans la nutrition humaine).  Rome.  Série FAO Alimentation et Nutrition, No. 24. (URL:  http://www.fao.org/docrep/t0207e/T0207E00.htm#Contents)

Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO). 1998. The state of the world’s plant genetic resources for food and agriculture (Etat des ressources génétiques des plantes dans le monde pour l’alimentation et l’agriculture). Rome: Commission on Genetic Resources for Food and Agriculture (Commission chargée des ressources génétiques pour l’alimentaton et l’agriculture), FAO.  (URL: ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/meeting/015/w7324e.pdf)

Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO). 1998b. Chapter 4 – Handling and Storage Methods for Fresh Roots and Tubers (Méthodes de traitement et de conservation de racines et tubercules frais).  Dans:  Storage and Processing of Roots and Tubers in the Tropics (Conservation et transformation des racines et tubercules dans les tropiques).  Agro-industries and Post-Harvest Management Service, Agricultural Support Systems Division.  (URL: http://www.fao.org/docrep/x5415e/x5415e04.htm)

Hahn, S.K. 1984. Tropical root crops. Their improvement and utilization (Racines tropicaux comestibles. Amélioration et utilisation). Document IITA présenté à la Conférence sur “le développement de la production agricole en Afrique”; du13-17 février 1984 à Arusha en Tanzanie.

Hunt, G.L.T. 1985. Low Cost Potato Storage for the Tropics (Conservation économique de la pomme de terre à dans les tropiques). Acta Hort. (ISHS) 158:401-408 (URL: http://www.actahort.org/books/158/158_46.htm)

Infonet-biovision. 2012. Sweet potato weevil (Charançon de la patate douce). (URL: http://www.infonet-biovision.org/default/ct/97/pests).

Martin, F. 1974. Tropical Yams and Their Potential, Part 2 (Ignames tropicales et leur potentiel, Partie 2).  Dioscorea bulbifera.  Manuel Agricole 466.  ARS-USDA.  En collaboration avec l’Agence des Etats-Unis pour le Développement International.  (URL: http://naldc.nal.usda.gov/naldc/download.xhtml?id=CAT87208471&content=PDF)

Martin, F. 1976. Tropical Yams and Their Potential, Part 3 (Ignames tropicales et leur potentiel, Partie 3).  Dioscorea alata.  Manuel Agricole 495.  ARS-USDA.  En collaboration avec l’Agence des Etats-Unis pour le Développement International.  (URL: http://naldc.nal.usda.gov/download/CAT87208472/PDF)

Martin, F. 1977. Tropical Yams and Their Potential, Part 4 (Ignames tropicales et leur potentiel, Partie 4). Dioscorea rotundata and Dioscorea cayenensis.   Manuel Agricole 502.  ARS-USDA.  En collaboration avec l’Agence des Etats-Unis pour le Développement International.  (URL: http://naldc.nal.usda.gov/naldc/download.xhtml?id=CAT87209454&content=PDF)

Martin, F.W., R.M. Ruberte, and J.L. Herrera. 1989. The Sweet Potato Cookbook (Livre de recette pour la patate douce). Dana Beck Fanger Estate Mission Committee, First Presbyterian Church, Dunedin, Florida (consultez www.echobooks.net pour verifier sa disponibilité à la librairie de ECHO).

Prescott-Allen, R and C Prescott-Allen. 1990. How Many Plants Feed the World (Combien de plantes nourrissent le monde)? Conservation Biology 4:4, 365-374.

Commission du Pacifique Sud.  1995.  Prospectus No. 5 -Révisé 1995- Manioc. (URL: http://www.fao.org/WAIRdocs/x5425e/x5425e05.htm#leaflet no. 5 revised 1995 cassava)

Note Technique (TN) 36. 2008. Jicama (Par M. Price). ECHO Inc. (URL: disponible en pdf téléchargeable sur www.ECHOcommunity.org)

Tindall, H.D. 1983. Vegetables in the Tropics (Les legumes dans les tropiques). The Macmillan Press Ltd.

Toensmeier, E. 2007. Perennial Vegetables (Légumes vivaces). Chelsea Green Publishing White River Juntion, Vermont (disponible à la librairie de ECHO--- www.echobooks.net).

Citer cet article comme:

Martin, F.W. 2015. Introduction aux Racines Comestibles des Tropiques. Note Technique no 81.