Commenté par Dawn Berkelaar

ECHO dispose d'un vaste réseau d'experts agricoles travaillant dans divers domaines de production et de développement. De nombreux membres contribuent à nos diverses publications et ressources, écrivant souvent ou contribuant à nos documents existants. Certains fournissent des ressources qu’ils ont eux-mêmes élaborées pour que nous les partagions avec le reste de notre réseau. L’un de ces documents est le Guide de l’Agriculture Syntropique, écrit par Roger Gietzen. Gietzen a traité de l’agriculture syntropique lors d’une session du soir à la Conférence internationale sur l’agriculture de ECHO en 2018.

Gietzen commence par présenter le concept et les principes de l'agriculture syntropique. L'agriculture syntropique, développée par Ernst Götsch au Brésil, est une approche agroforestière conçue pour imiter une forêt de plusieurs manières très spécifiques. Premièrement, les plantes sont densément disposées pour maximiser l’espace horizontal et vertical, semblables aux diverses strates que l’on trouve dans une forêt. Cela permet au système de capter autant d’énergie du soleil que possible.

Deuxièmement, les plantes et les arbres sont choisis avec soin en tenant compte du processus de succession; certaines des premières plantes pousseront et mourront de façon relativement rapide, alors que d'autres pousseront lentement et progressivement pendant de nombreuses années. Au fur et à mesure que le système va mûrir, le mélange de plantes et d'arbres deviendra plus diversifié et plus productif. Certaines plantes ne sont cultivées que pour la biomasse qu'elles produisent; d'autres plantes, tout en produisant de la biomasse, sont principalement cultivées pour leurs fruits ou d'autres parties récoltables.

L'élagage intense est un aspect unique de l'agriculture syntropique (les espèces de l'étage dominant sont parfois élaguées, ce qui élimine jusqu'à 95% de la biomasse!). Les élagages sont utilisés comme paillis et offrent de nombreux avantages, tels que l’élimination des mauvaises herbes, l’alimentation en micro-organismes du sol et la gestion de la température et de l’eau. Selon Götsch, l'élagage intensif à des moments stratégiques accélère également la croissance. Il émet l'hypothèse que lorsque les plantes sont taillées pendant leur phase de croissance, elles libèrent des hormones de croissance dans le système, ce qui encourage les plantes voisines à se développer plus rapidement.

L'agriculture syntropique est une tentative de produire des cultures vivrières et / ou commerciales, et en même temps de réhabiliter et de régénérer la terre. Les promesses de l'agriculture syntropique sont nombreuses: rendements élevés, flux de revenus multiples, utilisation optimale des terres, pas besoin d'intrants externes, amélioration de la qualité du sol, désherbage minimal; résilience des plantes due à la biodiversité, et une meilleure gestion de l'eau, à la fois par temps extrêmement sec et humide. Gietzen raconte l’histoire de la ferme de cacao de Götsch en démontrant qu’un système syntropique établi peut maintenir une productivité élevée avec un niveau de main-d’œuvre comparable à celui nécessaire pour gérer une ferme conventionnelle. Cependant, l'agriculture syntropique peut être compliquée à comprendre et à appliquer. Elle requiert  une connaissance approfondie des processus biologiques, un accès à de nombreux types de semences et une gestion méticuleuse.

Dans la deuxième partie de son guide, Gietzen donne un exemple concret de ce à quoi pourrait ressembler la mise en œuvre de l'agriculture syntropique. Il partage des schémas de plantation détaillés et spécifiques illustrant une manière d'appliquer l'agriculture syntropique sur des terres agricoles existantes. Les plans ont été élaborés spécifiquement pour Haïti, mais une grande partie du contenu serait applicable ailleurs dans les régions tropicales. La plupart des arbres mentionnés dans le guide de Gietzen sont originaires d’Haïti; certains sont décrits dans Bwa Yo: Important trees of Haiti [Bwa Yo: Importants arbres d’Haïti], un livre de Joel Timyan. (Le tableau 8.3 dans un article intitulé « Mimicking Nature » [Imiter la nature], mentionné à la fin de cet article, partage d'autres combinaisons possibles d'arbres et de cultures qui pousseront probablement bien ensemble et qui pourraient être envisagées pour un système d'agriculture syntropique.)

Dans un chapitre du livre intitulé « Mimicking Nature» [Imiter la nature], Katherine J. Young décrit l'agriculture syntropique comme un type de système d'agroforesterie par succession (SAFS). Son analyse est utile pour comprendre à la fois le potentiel et les défis de cette approche unique de l’agroforesterie. Les fermes SAFS décrites sont impressionnantes (parmi lesquelles celle de Götsch), mais les défis sont réels. Comme susmentionné, la gestion nécessite un niveau élevé de connaissances. Il existe peu de recherches pour valider les affirmations concernant le SAFS. Les besoins en main-d'œuvre sont intenses pendant les cinq à dix premières années de croissance. Un autre défi est que la commercialisation peut être difficile lorsqu'une ferme produit une grande variété de cultures, mais aucune à grande échelle [cela dit, cela pourrait être un réel avantage pour une petite ferme de subsistance]. Young conclut: «Néanmoins, malgré ces limitations actuelles, le SAFS est une approche innovante pour accroître la biodiversité agricole, régénérer les paysages agricoles gravement perturbés, diversifier les rendements des récoltes et réduire les risques écologiques et économiques associés aux systèmes agricoles conventionnels.»

Vous pouvez regarder une courte vidéo sur Götsch et l'agriculture syntropique ici.

Référence:

Young, K. J. 2017. Mimicking Nature: A review of successional agroforestry systems as an analogue to natural regeneration of secondary forest stands. Chapter 8 in: Integrating Landscapes: Agroforestry for biodiversity conservation and food sovereignty [Imiter la nature: examen des systèmes d'agroforesterie par succession, analogue à la régénération naturelle des peuplements forestiers secondaires. Chapitre 8 de: Intégrer les paysages: l’agroforesterie pour la conservation de la biodiversité et la souveraineté alimentaire] pp. 179-209.