Par: Dr. Martin Price
Publié: 01/06/1993


Chaque année, des spécialistes du développement communautaire visitent ECHO pendant quelques jours pour étudier et planifier leur travail. En fait, leur plus grand besoin n’est pas d’acquérir un peu plus de connaissances (par l’étude) mais bien de préparer un plan de projet centré sur l’appui aux paysans locaux.

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Journée champêtre de présentation de nouvelles variétés, CRPF, Haïti (Photo: Personnel d’ECHO)

Plusieurs de ces visiteurs et visiteuses m’ont avoué que de toutes les notions que j’ai abordées avec eux durant leur visite, celle de Centre de ressources pour petites fermes (CRPF) est la plus utile. L’idée centrale du CRPF est que les organismes de développement désirant réaliser un projet lié à l’agriculture productive n’ont pas vraiment le choix : ils doivent mener eux-mêmes leurs propres expériences. Hélas, aucun expert ne peut débarquer dans votre communauté et vous dire avec certitude et à l’avance que telle ou telle culture ou technique nouvelle fonctionnera à merveille. Un tel expert peut vous conseiller d’essayer beaucoup de choses, mais rarement parviendra-t-il à convaincre rapidement les paysans de les adopter sur-le-champ. (Heureusement, il  existe  des projets agricoles fonctionnant bien sous n’importe quel climat qui peuvent servir de projets initiaux en attendant de sélectionner et d’adapter des variétés et des techniques de production. On n’a qu’à penser au travail de vétérinaire, à la manutention et à la transformation des récoltes et aux projets de technologie appropriée.)

Beaucoup d’organismes de développement rural ayant des projets en médecine, santé publique, éducation, eau, assainissement, etc. hésitent à initier des projets agricolesmême s’ils en reconnaissent le besoin.

Je soupçonne que c’est parce qu’en agriculture, contrairement à d’autres domaines d’intervention, il s’avère très difficile d’identifier les initiatives ayant un grand impact. Par exemple, les projets médicaux sont faciles à initier car, si une personne est malade, un médecin saura probablement quoi faire. Mais si la communauté entière est « malade » en raison de la pauvreté des paysans, il est bien moins facile de déterminer ce qui peut être fait.

En fin de compte, la question suivante est à la base de toutes les actions d’ECHO : Comment pouvons-nous vous aider à concevoir un plan de projet qui aura un impact significatif dans la vie des paysans et paysannes?

Les Besoins

Tout projet de production agricole adéquat doit répondre à plusieurs critères. Il faut que le projet (1) ne comporte aucun risque pour les paysans locaux, (2) comporte une innovation que les paysans n’appliquent pas déjà, (3) produise une amélioration suffisamment importante pour que les paysans adoptent l’innovation sans hésiter, et (4) il faut que le produit de l’innovation ait un débouché sur le marché s’il est destiné à la vente ou qu’il soit bien accepté par la population locale si celle-ci doit le consommer elle-même.

J’ai souvent entendu des spécialistes en développement déclarer : « Je n’ai pas besoin de nouvelles connaissances techniques mais bien d’une méthode plus efficace de convaincre ces paysans têtus d’adopter les innovations que je leur propose. » C’est possible. Mais il est fort probable que ce soit plutôt l’innovation proposée qui ne réunit pas suffisamment d’avantages pour les paysans.

Bien qu’il arrive rarement qu’une idée envisagée réponde d’emblée aux quatre critères énumérés ci- dessus, dans le contexte spécifique d’une mission, il n’y a aucune raison de perdre espoir. En fait, il existe une étape indispensable entre la découverte d’une bonne idée et le travail de vulgarisation. Beaucoup d’innovations peuvent potentiellement être adoptées dans une communauté tout comme elles l’ont été ailleurs dans le monde. Il faut simplement les mettre à l’essai et les perfectionner en tenant compte du contexte local.

Deux principes sont à la base de ma conviction voulant que toute mission agricole nécessite un Projet de développement de ressources pour les petites fermes (PDRPF). (1) Je suis tout à fait certain que le Seigneur a créé des ressources utiles pour n’importe quelle communauté dans laquelle je pourrais être appelé à travailler. (2) Je fais preuve de prudence quant à ma certitude de savoir quelles sont ces ressources et ce, tant et aussi longtemps que je n’aurai pas eu l’occasion de faire des essais d’adaptation au milieu local.

(Il faut reconnaître toutefois qu’il existe des projets agricoles clé en main, notamment en technologie appropriée et en science vétérinaire, ayant un important corpus de connaissances applicables universellement. Par exemple, si des poules meurent de la maladie de Newcastle, un programme de vaccination pourrait être lancé immédiatement. Un modèle de silo à grain quiconnu du succès au Honduras fonctionnera probablement également au Nicaragua. Il y a des exceptions à cette règle. Par exemple, un organisme peut tomber sur une innovation qui a déjà fait ses preuves dans la communauté mais dont on n’a pas encore fait la vulgarisation. Mais attention! Voici une situation dont j’ai déjà été témoin : un groupe local avait démontré l’efficacité d’une technique de culture des ananas. Plusieurs projets d’ananas privés et publics ont alors vu le jour. Vous l’aurez deviné –moins de deux ans plus tard, le prix des ananas chuta tellement qu’il ne valait pratiquement plus la peine de les récolter. En général, les projets de développement n’accordent vraiment pas assez d’importance aux études et aux prévisions de marché.)

Projet de Développement de Ressources pour Petites Fermes

Tant les gens qui vous appuient dans votre pays d’origine que les paysans que vous servez ont de grandes attentes. Ils veulent connaître un succès remarquable (et à court terme) peu importe ce que vous tentez. Vous perdrez rapidement de la crédibilité si vous initiez des projets qui échouent sauf si tout le monde comprend dès le départ que vous allez d’abord faire des essais expérimentaux.

Une grande partie de cette pression se dissipera si vous leur dites : « Tout le monde sait que beaucoup des nouvelles idées introduites par les gens de l’extérieur n’ont aucune valeur. Mais il existe également beaucoup de choses qui ont amélioré la vie des paysans comme vous dans d’autres régions de la planète. Nous allons essayer plusieurs de ces technologies. Il est for probable que la plupart d’entre elles aient peu de valeur. Mais il y a de fortes chances qu’une ou plusieurs d’entre elles apporte quelque chose qui vous sera utile. »

« Je vous invite à observer l’évolution des essais que nous ferons ici au Centre de ressources pour petites fermes (CRPF). Lorsque nous aurons identifié des essais qui semblent vraiment intéressants, vous pourrez nous aider en réalisant un petit essai sur votre propre ferme. »

Le but d’un CRPF est d’évaluer au sein de la communauté des idées qui ont fait leurs preuves ailleurs. Les idées les plus prometteuses sont adaptées pour devenir les éléments centraux de la vulgarisation agricole de l’organisme. Cette recherche que nous appelons recherche adaptative est réalisée directement par l’organisme non gouvernemental (ONG) et les paysans locaux.

Nous utilisons deux noms légèrement différents, un pour le projet en tant que tel et l’autre pour le lopin de terre sont effectués les essais initiaux. Le Centre de ressources pour petites fermes (CRPF) coordonne les essais dans un site central ainsi que dans les champs des paysans individuels. Toute nouvelle idée, technique, culture ou variété de plante locale est d’abord évaluée au CRPF. Ensuite, le Projet de développement de ressources pour petites fermes (PDRPF) soumet à des essais pratiques les innovations les plus prometteuses dans des lopins au sein de la communauté. Des problèmes imprévus, ainsi que des solutions conçues par les paysans eux-mêmes, peuvent surgir durant ces essais sur le terrain et parfois sous différents microclimats. Ces essais ont l’avantage indirect de permettre aux paysans locaux d’apprendre à réaliser leurs propres essais de nouvelles idées. On peut également réaliser des études de marchés.

Les Résultats

Le PDRPF a comme objectif général d’aider l’agriculture locale à accroître un peu plus la richesse déjà considérable de ses connaissances traditionnelles. À de rares exceptions près, un PDRPF n’est pas nécessaire si l’organisme désire simplement produire de la nourriture. Les objectifs à long terme spécifiques d’un PDRPF peuvent inclure (1) la recherche de nouvelles sources de revenus, d’aliments ou d’emplois, (2) l’amélioration de la rentabilité et de la fiabilité des activités agricoles existantes, (3) la réalisation d’études de marché et d’activités de développement de marché en appui à ces activités agricoles, (4) l’amélioration de la sécurité économique et de la valeur nutritionnelle du régime alimentaire en diversifiant les cultures, (5) la réduction de la vulnérabilité aux hauts et bas de l’économie mondiale en réduisant au minimum le besoin d’importer des intrants pour la production, et (6) le renversement des dommages environnementaux causés par l’érosion et la déforestation.

Le CRPF a deux fonctions distinctes. La première, l’expérimentation, consiste à mettre à l’essai et à adapter de nouvelles idées qui peuvent potentiellement contribuer au développement de la communauté. Ce n’est pas de la recherche universitaire fondamentale, mais plutôt des expériences d’adaptation pour vérifier si une idée qui a bien réussi ailleurs peut fonctionner de manière fiable dans le milieu visé. L’autre fonction, la démonstration et la formation, consiste à utiliser le centre ainsi que les essais terrain comme outils de formation. Cette composante peut servir de base pour présenter les résultats prometteurs au personnel de vulgarisation de l’organisme parraineur et à d’autres représentants gouvernementaux intéressés, aux groupes de développement ou aux paysans de la communauté.

Ou Effectuer les Essais?

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Expérimentation et démonstration d’agrumes améliorés à un CRPF, Haïti  (Photo: Tim Motis)

Les essais devraient être menés sur le site central du CRPF et par les paysans locaux sur leurs propres terres. Chacun de ces types de site comporte des avantages et des désavantages.

Essais au CRPF. Il est important que le CRPF se trouve dans un endroit central dans la communauté locale et accessible aux gouvernements et aux divers groupes nationaux qui pourraient désirer apprendre du CRPF. De plus, cet emplacement devient le lieu de choix pour la présélection des nouvelles idées.

Dans un premier temps, les expériences ayant moins de chances de connaître du succès ne doivent être réalisées que sur le site central du CRPF et ce, jusqu’à ce qu’elles aient démontré avoir un potentiel certain.

 

Essais sur les fermes. Avant que Tom Post (voir « Un exemple vécu » ci-dessous) n’ait l’occasion de mettre sur pied un PDRPF, des essais sur les fermes étaient déjà en cours. Ces essais semblaient être une idée fantastique. La station de recherche du gouvernement avait récemment décidé d’introduire au pays l’oignon en tant que légume commercial rentable. La station avait également sélectionné des variétés et mis au point des pratiques culturales. Mais personne ne savait qu’il avait une grave maladie des oignons dans cette région du Belize. Si le CRPF avait existé, on y aurait effectué les premiers essais et les paysans n’auraient pas subi de pertes suite à l’échec des essais.

Les essais terrain effectués sur les fermes des paysans sont économiquement plus efficaces, plus représentatifs des divers microclimats, types de sols, etc., augmentent la visibilité dans la communauté, aident les paysans à apprendre l’approche expérimentale, permettent à ceux-ci de devenir partie prenante du projet et réduisent considérablement le risque de mauvais choix dans l’introduction ultérieure de pratiques et de cultures. Lorsqu’une innovation fait ses preuves dans des essais terrain, une grande partie du travail de vulgarisation ultérieur est déjà réalisée. Les expériences terrain se font toujours à petite échelle de manière à réduire au minimum les risques de perte courus par les paysans.

Project Global Village au Honduras se demandait si l’introduction de pommiers subtropicaux constituerait une bonne base pour un projet de développement dans une région éloignée en altitude élevée. Nous les avons aidés à importer 1 000 pommiers, lesquels furent entièrement évalués dans des essais terrain. Je crois que ces arbres furent distribués à quelques centaines de paysans. Aux dernières nouvelles, à la fin des années 90, cette région comptait déjà plus de 200 000 arbres  plantés. Personne ne sait vraiment combien il y en a aujourd’hui parce que les paysans greffent et vendent leurs propres arbres.

Un Exemple Vécu

Au milieu des années 1980, ECHO suggéra à Tom Post, directeur national du Christian Reformed World Relief Committee (CRWRC) au Belize, de fonder un CRPF dans une petite communauté de ce pays. Par la suite, Tom nous fit part des observations suivantes concernant l’utilité de ce Centre.

  1. « Il nous procure un endroit pour essayer de nouvelles cultures sans causer d’ennuis aux paysans au cas les essais échouaient. Nous avions déjà commencé à travailler directement avec les paysans avant la création du CRPF. Mais après une année, le nombre de paysans participants était tombé de 30 à 3 à cause d’échecs initiaux survenus sur leurs terres. Maintenant, les échecs font simplement partie des résultats que nous prévoyons obtenir au Centre, nous menons de nombreux essais. Par exemple, nous ne sommes pas parvenus à rentabiliser un projet de production d’œufs qui à l’origine semblait rentable. Par contre, dans le cadre de cette expérience, nous avons découvert qu’il était rentable pour les paysans d’élever des poulets à griller. Par ailleurs, nous avons construit au CRPF un séchoir à grains expérimental combinant l’énergie solaire et le bois à brûler. Un défaut de conception du séchoir fut à l’origine d’un incendie qui le détruisit complètement heureusement, seul le CRPF en essuya la perte.
  2. « Même si nous possédons des diplômes en agriculture tropicale et des années d’expérience, nous devons être certains de notre coup en vérifiant la technologie que nous voulons promouvoir. Cela s’applique également au personnel de vulgarisation national. Le CRPF nous permet de vérifier que ce que nous recommandons fonctionne réellement bien.
  3. « Le CRPF sert de point de contact entre notre organisme et les institutions béliziennes (organismes bénévoles, ministères gouvernementaux et agences de recherche agricole). Il donne beaucoup plus de visibilité à notre petit groupe et procure un ‘endroit’ nous avons une grande enseigne le long de la grande route qui dit ‘Centre de ressources pour petites fermes’. Les visiteurs peuvent voir et reconnaître la qualité de notre travail. Maintenant, d’autres groupes s’inspirent également de nos résultats. L’un d’entre eux a commandé environ 2 tonnes de graines de pois mascate et 2 de graines de pois-sabre.
  4. « Ce centre est un précieux investissement dans l’avenir. Les organismes de développement ont tendance à rechercher des résultats à court terme, en exploitant uniquement des idées connues pour avoir de fortes chances de succès. Cela a pour effet de délaisser d’autres options intéressantes. Au CRPF, nous pouvons essayer des choses ayant une faible probabilité de succès immédiat mais qui sont très prometteuses à plus long terme. Le moringa tombait dans cette catégorie et devient maintenant de plus en plus un arbre des plus utiles pour nos projets.
  1. « Le centre offre une précieuse occasion de travail pratique pour nos supporteurs nord- américains qui veulent participer activement à notre programme. Les donateurs ressentent de plus en plus un besoin de connaître directement les résultats obtenus grâce à leur aide. Lorsque les équipes de visiteurs réalisent des projets dans le village, ils font peut-être des choses que la population locale peut faire elle-même [et il peut en résulter du ressentiment.] Mais les projets réalisés au CRPF ne perturbent pas la vie du village et aident grandement notre travail. Les Nord-Américains y testent leurs compétences sans nuire à la population locale durant leur apprentissage par tâtonnement. »

La documentation que j’avais lue sur cette question avant de commencer à travailler concrètement en développement me donna l’impression que les paysans étaient tellement résistants au changement qu’ils ne seraient certainement pas intéressés à mener des expériences. J’ai été agréablement surpris de constater dans les témoignages de membres de notre réseau que les paysans sont vivement intéressés à mener des expériences – à la condition qu’ils soient certains qu’au moins quelques-unes d’entre elles en vaudront la peine. Tom m’a fait visiter les fermes de quelques paysans participants au Belize. Chacun de ceux-ci menait une expérience particulière en collaboration avec le CRPF. L’un d’entre eux nous montra fièrement quelques autres expériences qu’il avait lui même conçues.

Avantages Particuliers

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Essai de variétés de patate sucrée (Photo: Personnel d’ECHO)

Les paysans et les institutions disposant d’abondantes terres bien irriguées et de fonds considérables pour leurs travaux n’ont probablement nullement besoin de chercher des nouvelles façons  de générer des revenus et de produire des aliments. Mais pour les paysans marginaux contraints de cultiver sur des petits lopins de terre dans des conditions difficiles avec peu de moyens, ce besoin d’innovation est bien plus évident. Dans l’exemple du Belize décrit ci-dessus, le besoin de diversifier la production axée principalement sur la canne à sucre était une préoccupation majeure.

Le PDRPF n’exige le développement d’aucune infrastructure coûteuse. Aucun engagement de financement pluriannuel n’est pris. Le CRPF peut continuer d’exister tant et aussi longtemps que ses résultats procurent des avantages évidents (ou jusqu’à ce qu’il ait mis au point un si grand nombre de bonnes innovations que le personnel de vulgarisation ne parvienne plus à toutes les utiliser) et peut être fermé en tout temps sans souffrir de perte importante.

Bien que nous ayons discuté avec Project Global Village de la possibilité de créer un CRPF, leur projet de pommiers était tellement prometteur qu’il décida de mobiliser toutes ses ressources pour son développement. N’oubliez jamais que le CRPF existe pour les paysans et que la recherche qui y est effectuée ne doit pas être une fin en soi. Si vos investissements infrastructurels sont faibles, vous pourrez réorienter vos efforts n’importe quand sans perte importante.

Autres Possibilités

(1) Une fois démontrée la viabilité d’un groupe de technologies pertinentes, l’organisme qui parraine le CRPF pourrait envisager de créer une zone de démonstration à des fins de formation. Je n’appelle pas le CRPF une « ferme de démonstration » parce que ce concept n’est pas fonctionnel dans toutes les situations et toutes les cultures. Le CRPF est un endroit où des essais sont effectués et qui joue le rôle additionnel d’une ferme de démonstration seulement si cette approche  semble bien répondre à la situation locale. Il est parfois préférable de visiter les essais réalisés sur des fermes paysannes parce que les gens s’identifient souvent plus facilement aux projets réalisés par leurs pairs sur leurs propres terres. Par contre, le déplacement des participants aux formations est beaucoup plus facile lorsque la plupart des démonstrations ont lieu dans un site central.

(2) Si un institut agricole ou un centre de formation se trouve à proximité, il y aura beaucoup de possibilités de collaboration. Les étudiants de l’institut profiteront du CRPF en acquérant une expérience pratique en recherche adaptative. Le CRPF, de son côté, pourra mener beaucoup plus d’expériences grâce à la main-d’œuvre gratuite des étudiants.

(3) De plus en plus, les donateurs veulent voir et vivre les changements directement. Si les missions d’étude comportent des avantages par rapport aux « équipes de travail, », j’ai observé que beaucoup de gens sentent le besoin de mettre la main à la pâte pour justifier le coût de leur voyage. Ainsi, les « brigades de travail » sont de plus en plus populaires. Mais faire travailler les membres de la délégation sur un projet local que les villageois peuvent facilement réaliser eux-mêmes risque de susciter du ressentiment chez ces derniers. On peut habituellement trouver des projets du CRPF offrant aux bénévoles une expérience enrichissante, tout en profitant au projet et en évitant tout malentendu au sein de la communauté. En même temps, ces bénévoles peuvent faire connaissance et travailler avec la population locale, se familiariser avec leur culture et participer aux activités religieuses avec eux.

(4) Un grand nombre d’universités nord-américaines offrent à leurs étudiants des stages de quelques mois à l’étranger pour les exposer aux conditions de vie et aux cultures des pays en développement. Mais elles ont souvent de la difficulté à trouver des tâches pratiques que les étudiants puissent effectuer. La faible connaissance de la langue locale et une sensibilité culturelle encore peu développée réduisent l’efficacité de ces stagiaires à court terme. Ceux-ci retournent chez  eux souvent désillusionnés parce que la portée de leurs actions aura été minime. Par contre, les étudiants appuyant les expériences d’un programme de CRPF peuvent se rendre très utiles dès le jour de leur arrivée! Ils travaillent alors sous la supervision du personnel du CRPF, non pas à introduire directement des transformations au sein de la société.

J’imagine que plusieurs universités accueilleraient d’emblée la possibilité d’envoyer  quelques-uns de leurs étudiants collaborer à un projet pendant l’été, un trimestre ou une année complète (en autant que ce projet ait un directeur en poste pendant plusieurs années qui possède au minimum un diplôme de premier cycle en sciences).

(5) Il arrive régulièrement que des professeurs désirant se rendre utiles durant leur congé sans solde nous appellent pour savoir s’il existe des possibilités de travailler dans le domaine de la lutte contre la faim dans le monde. Certains d’entre eux pourraient vous aider, par exemple en réalisant des essais, en adaptant au milieu local des techniques de lutte antiparasitaire intégrée, etc.

Sélection des Essais

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Demonstration coffee nursery, Viet Nam (Photo: Larry Yarger)

L’agriculture et l’élevage sont sans doute les principales activités de la plupart des petits paysans du Tiers-monde. Par conséquent, le CRPF devrait concentrer ses efforts à chercher des nouvelles cultures ou des  variétés  améliorées de cultures existantes, à améliorer la productivité et la protection des grains entreposés, à développer des techniques de production n’exigeant pas de fonds (ni de devises étrangères) pour l’achat de pesticides et d’engrais. Il va sans dire que la ferme est libre d’utiliser une combinaison de méthodes biologiques et conventionnelles selon l’approche de l’organisme et la situation locale. Le CRPF pourrait également faire des essais en agroforesterie, élevage, aquaculture, culture de fourrages et entreposage et manutention des récoltes.

Axer la production sur l’exportation est un choix très risqué pour les organismes relativement petits du réseau d’ECHO. N’envisagez même pas d’exporter si aucun grand organisme bien établi dans ce domaine ne le fait déjà et que vos paysans n’ont qu’à se joindre à leur programme. Et même dans ce cas, un seul cas de mouches des fruits ou un embargo des Nations Unies suffirait à provoquer un désastre pour ces exportateurs.

Des technologies appropriées peuvent être sélectionnées pour le volet démonstration de la ferme. Il existe probablement un si grand nombre d’excellents modèles de technologie appropriée  qu’il faudra nommer une personne ayant une bonne compréhension de la situation locale pour bien choisir une ou deux technologies qui répondent le mieux aux besoins, au lieu d’expérimenter de nouveaux modèles. Les technologies appropriées ont généralement l’avantage de fonctionner à peu près partout. Et il y a parfois des belles surprises. Peu de temps après avoir construit des latrines à compost pour leurs employés en Amérique centrale (Guatemala et Honduras), trois organismes me confièrent que ces latrines avaient suscité un vif intérêt dans la communauté.

Adopter une Perspective à Long Terme

Les projets de développement ont tendance à durer seulement quelques années alors que les communautés évoluent sur des périodes plus longues. Les essais devraient viser à répondre aux besoins à court et à long terme de la communauté. Il faut choisir certaines innovations qui seront prêtes à appliquer à très court terme (en moins d’un an). (L’horizon, et surtout le financement, à court terme de la plupart des projets a malheureusement comme effet secondaire de se concentrer uniquement sur les idées qui risquent de procurer des résultats rapides.) Certains essais qui doivent être échelonnés sur plusieurs années devraient être entamés immédiatement de manière à obtenir des résultats quelques années plus tard, par ex. l’évaluation de variétés d’arbres fruitiers.

Ce Qu'ECHO Peut Offrir

ECHO souscrit au principe de travailler directement dans une communauté en développement uniquement en appui à d’autres organismes déjà présents qui réalisent des projets dans le pays en question. Nous voulons aider ces organismes à grandir et à réussir, en profitant de la contribution d’ECHO tout en développant leur autonomie par rapport à celui-ci. Ces organismes apportent leur compréhension profonde des besoins et des problèmes uniques de la population du pays. Ce sont eux qui introduisent les nouvelles approches et technologies dans les communautés en les intégrant à leurs propres projets de développement.

Chose étonnante, il arrive souvent que des organismes songent à mettre sur pied un CRPF alors que leur but principal est de produire de la nourriture pour une école ou un orphelinat. Dans ce cas, il n’y a aucun besoin d’avoir un CRPF. Y a-t-il des paysans locaux qui produisent des aliments? Si c’est le cas, développez un partenariat avec eux pour produire la nourriture dont votre institution a besoin, pour enseigner l’agriculture à vos étudiants, etc. N’oubliez pas que le CRPF est avant tout axé sur la recherche.

Le bulletin trimestriel d’ECHO, Notes de développement (EDN), est diffusé à des milliers de spécialistes en développement dans plus de 180 pays; le Peace Corps le distribue à ses volontaires et l’USAID des Etats-Unis, à chacun de ses agents agricoles. La banque de semences d’ECHO distribue des sachets d’échantillons de plus de 600 accessions de semences aux praticiens en développement partout au monde. La banque comprend principalement des plantes et des arbres utiles qui sont une source d’aliments, de fourrage et de combustible dans les régions marginales de la planète. Elle contient également des variétés de plantes courantes adaptées à des conditions particulières.

ECHO est une excellente source d’idées, d’informations et de sachets de semences pour mener des essais dans un CRPF. La revue EDN fournit des idées sur la sélection d’essais initiaux. Le contenu des 15 premières années d’EDN a été mis à jour et réorganisé dans un livre, Amaranth to Zai Holes: ideas for growing food under difficult conditions (disponible en anglais seulement). On peut également se procurer la quarantaine de numéros d’EDN publiés depuis la parution du livre. Par ailleurs, Amaranth to Zai Holes est disponible à notre librairie en ligne ou encore vous pouvez le consulter interactivement dans notre site Web. EDN ainsi que d’autres ressources documentaires très utiles sont également disponibles en anglais, espagnol et français dans notre site Web.

ECHO est un organisme de ressources chrétien à but non lucratif dont l’objectif premier est d’apporter un appui technique aux différents groupes et personnes confrontés aux problèmes des petits paysans et de la production agricole à petite échelle dans le monde en développement. Notre approche fondamentale consiste à aider d’autres organismes de développement à travailler plus efficacement. (Nous ne sommes pas un organisme de financement, ni de fourniture de produits agricoles, ni d’aide à la recherche de financement.)

Les nombreux collaborateurs du réseau mondial d’ECHO essayent avec enthousiasme les nouvelles semences et idées présentées dans EDN. Nous avons expédié des centaines de sachets d’essai et répondu à des centaines de questions techniques que nous avons reçues. Un réseau actif de chercheurs et de spécialistes en développement quotidiennement en contact avec les paysans constitue une riche source d’idées et d’approches nouvelles, dont la plupart ont déjà été sélectionnées en fonction de leur utilité pratique pour au moins une région du monde en développement.

Nous publions dans notre bulletin Notes de développement d’ECHO les pratiques les plus utiles dégagées d’essais ou provenant de paysans locaux ou d’autres organismes de notre réseau. C’est ainsi que nous bouclons une boucle souvent initiée avec une des nombreuses idées originales de ces mêmes gens. Notre capacité à diffuser les découvertes aux membres de notre réseau présents dans de nombreux pays soulève également l’enthousiasme et la motivation des participants locaux à notre réseau. Le ministère d’ECHO est basé sur le partage de l’information. Par conséquent, ECHO n’accepte aucune restriction à cette liberté; aucune idée ne sera considérée de propriété exclusive.