Résultats préliminaires de la recherche de ECHO
Des recherches préliminaires indiquent que le biochar imprégné de MgCl2 ou de CaCl2 s’avère efficace et permet de maintenir une faible humidité dans des conditions simulant la conservation des semences. Les résultats suggèrent que ces agents desséchants pourraient également être utiles pour le séchage des semences. Le biochar a permis de réduire efficacement le problème de liquéfaction, fréquemment rencontré avec ces sels desséchants. Le MgCl2 et le CaCl2 sont largement disponibles sur le marché et pourraient l'être dans certaines régions aux ressources limitées à un coût raisonnable.
Introduction
Un agent desséchant peu coûteux et facilement disponible serait très utile pour le séchage et la conservation des semences et des aliments. Malheureusement, les agents desséchants efficaces actuellement sur le marché sont relativement chers et difficiles à obtenir dans de nombreuses régions aux ressources limitées.
Un agent desséchant idéal devrait être :
- Peu coûteux
- Facilement disponible, ou pouvant être fabriqué localement à partir de matériaux facilement disponibles et grâce à un procédé simple.
- Facile à régénérer avec une perte d'efficacité minime.
- Non toxique et facile à manipuler.
Figure 8. Sels bruts (au premier plan) et biochars imprégnés de sel. Le MgCl2 est à gauche, le CaCl2 à droite. Chaque tas mesure environ 6 cm de large. Source: Tom Bierma
Certains sels possèdent des propriétés5 desséchantes et leur potentiel commercial a été étudié. Le MgCl2 et le CaCl2 sont peu coûteux et vendus dans le monde entier. Leurs usages non desséchants vont du déverglaçage et du contrôle des poussières aux additifs alimentaires et cosmétiques. Malheureusement, ces deux sels ont tendance à se liquéfier en absorbant la vapeur d’eau (un processus appelé déliquescence), ce qui les rend difficiles à manipuler. De ce fait, leur utilisation en tant qu’agent desséchant est restée largement limitée à quelques applications spécifiques, telles que les laboratoires de recherche et les expositions muséales.
Pour pallier cette limitation, certains chercheurs ont appliqué ces sels à des matériaux très poreux, créant ainsi des substances appelées matériaux imprégnés de sel (MIS) (Figure 8). La grande surface spécifique des MIS permet aux sels d'adsorber la vapeur d'eau, voire de se liquéfier, tout en conservant une forme solide, ce qui facilite grandement leur manipulation. La vermiculite est l'un des substrats de MIS les plus prometteurs. Bien que beaucoup moins coûteuse que d'autres substrats de MIS, son utilisation reste probablement trop chère pour la plupart des petits agriculteurs.
Nous avons étudié l'utilisation du biochar comme substitut à la vermiculite dans la fabrication de MIS. Le biochar peut être produit localement à partir de presque toutes les biomasses résiduelles et, lorsqu'il est pyrolysé à des températures élevées, il est hautement poreux.
Méthodes
Nous avons utilisé du biochar issu de la pyrolyse de bambou à 600 °C dans un four à cornue. Des tests préalables avaient montré que ce biochar n'était pas un bon agent desséchant, atteignant une teneur en humidité d'environ 10 % après une semaine dans un environnement à forte humidité. Le MgCl2 et le CaCl2 ont été achetés dans des points de vente locaux : le MgCl2 est commercialisé comme déverglaçant et le CaCl2 comme additif alimentaire. Le biochar a été trempé dans une solution de MgCl2 ou de CaCl2 pendant 24 heures, et remué de temps en temps. Les matières solides ont ensuite été retirées à l'aide d'une cuillère et séchées au soleil pendant 6 heures. S’en est suivi un séchage à l'étuve à 120 °C jusqu'à l’obtention d'un poids constant.
Figure 9. Dispositif expérimental pour récipients scellés lors du test du « bol de riz ». Source: Tom Bierma
Les matériaux ont été testés dans un environnement simulant la conservation des semences, que nous appelons le test du « bol de riz » (Figure 9). Du riz blanc non cuit, acheté en magasin, a été utilisé comme substitut de semences sèches et placé au fond d'un récipient de type Tupperware. L’agent desséchant testé était placé dans un gobelet, et un réservoir d'eau étroit (environ 1 cm de diamètre) a servi de source de vapeur d'eau. L'humidité relative à l'intérieur du récipient (HRr) était mesurée à l'aide de deux petits hygromètres (non représentés). Les variations de poids de l’agent desséchant, du riz et de l'eau étaient mesurées chaque semaine.
Outre les deux biochars imprégnés de sel, le MgCl2 et le CaCl2 ont été testés à l'état brut. Deux conditions témoins ont également été testées : l'une sans aucun agent desséchant et l'autre utilisant du sel de table (NaCl) comme agent desséchant. L’ensemble des conditions testées est récapitulé dans le tableau 2.
| Abréviation | Description |
|---|---|
| No Des | Sans agents desséchants |
| NaCl | Sel de table, faible capacité de dessiccation |
| MgCl2raw | Sel brut de MgCl2 - sans biochar |
| MgCl2BC | MgCl2 sur biochar |
| CaCl2raw | Sel brut de CaCl2 - sans biochar |
| CaCl2BC | CaCl2 sur biochar |
Résultats
La figure 10 montre que les agents desséchants contenant du MgCl2 et du CaCl2 ont maintenu une humidité relative ( HRc ) significativement plus faible dans le récipient que les deux témoins. De plus, les traitements avec l’agent desséchant au CaCl2 ont maintenu une HRr inférieure à celle des traitements au MgCl2. Le CaCl2 a donné des résultats légèrement meilleurs sans biochar (forme brute) qu'avec du biochar. Les deux traitements au MgCl2 ont donné des résultats à peu près équivalents. (Les auteurs notent que la HRr est sensible à la température et que les tests ont été réalisés dans un espace non climatisé, sujet à de fortes variations de température.)
Figure 10. Humidité relative (%) de chaque traitement pendant toute la durée de l'essai.
La figure 11 présente la capacité d'adsorption (CA) de chaque agent desséchant au cours de la période du test. La CA est exprimée en quantité de vapeur d'eau adsorbée par gramme d’agent desséchant (poids sec de l’agent desséchant). Le NaCl n'a pratiquement démontré aucune capacité d'adsorption. Les autres traitements par agents desséchants ont présenté une capacité d'adsorption croissante tout au long des tests, indiquant qu'ils continueraient à adsorber davantage de vapeur d'eau même après 67 jours. Là encore, le CaCl2 brut a obtenu de meilleurs résultats que sa forme avec biochar. Le biochar imprégné de MgCl2 semble avoir été légèrement plus performant que le CaCl2 brut.
Figure 11. Capacité d'adsorption de chaque traitement avec une ligne de meilleur ajustement tracée (linéaire).
Lors des tests, il a été constaté que le MgCl2 brut se liquéfiait à la fin de la deuxième semaine (CA ~ 0,3 g/g), tandis que le CaCl2 brut restait solide pendant 3,5 semaines (CA ~ 0,5 g/g). Le CaCl2 sur biochar (CaCl2BC) s'est liquéfié à 7 semaines (CA ~ 0,75 g/g), tandis que le MgCl2 sur biochar (MgCl2BC) est resté solide (bien que ramolli) pendant toute la durée du test (CA ~ 0,7).
Le poids du riz est resté pratiquement inchangé dans les deux conditions témoins. En revanche, le riz a perdu de 3 à 6 % de son poids dans les conditions avec agent desséchant durant la première semaine de test, et ce même si le riz vendu en magasin avait déjà été séché jusqu'à un taux d'humidité stable. Cela suggère que ces agents desséchants pourraient être efficaces pour le séchage des semences.
Application
Les résultats indiquent que le biochar a permis de maintenir le MgCl2 et le CaCl2 sous forme solide jusqu’à un niveau de capacité d'adsorption bien plus élevé (CA d'au moins 0,7 g/g) par rapport aux sels bruts (CA ~ 0,3 à 0,5 g/g). Une CA de 0,7 g/g est comparable à celle d’agents desséchants commerciaux tels que le gel de silice et la zéolite (CA ~ 0,2 à 1 g/g).
Les deux sels ont permis de maintenir de faibles taux d'humidité relative dans les récipients de test, notamment jusqu'à une humidité relative d'environ 0,5 g/g pour le MgCl2 et de 0,8 g/g pour le CaCl2. Ils se sont également révélés prometteurs pour le séchage des semences, en réduisant l'humidité du riz sec de 3 à 6 % dès la première semaine de test.
Des questions restent en suspens
Bien que ces premiers résultats semblent prometteurs, des recherches supplémentaires sont nécessaires avant toute application sur le terrain. Les points suivants sont particulièrement importants à souligner :
- Régénération – Quelle est la facilité de régénération d’un MIS (matériau imprégné de sel) à base de biochar, et quelle est la perte d’efficacité à chaque cycle de régénération ? Des tests préliminaires suggèrent que le séchage solaire pourrait suffire à la régénération dans des conditions optimales, mais des recherches supplémentaires sont nécessaires.
- Production de MIS – Quelle méthode de production serait simple et efficace tout en optimisant l'efficacité du produit ? La méthode actuelle d'application du sel est quelque peu gaspilleuse et salissante. Il serait également possible de réduire la déliquescence en limitant les résidus de sel à la surface des particules de biochar.
- Caractéristiques du biochar – Quelles caractéristiques du biochar, telles que la source de biomasse et la température de pyrolyse, sont les plus importantes pour déterminer l’efficacité du MIS? N’importe quel biochar constitue-t-il un substrat adéquat ?
- Disponibilité et coût – Quelle est la disponibilité du MgCl2 et du CaCl2 dans les régions à faibles ressources et à quel coût ? C’est ce qui déterminera si les MIS à base de biochar sont pratiques dans une zone donnée.
Lectures complémentaires
Personnel de ECHO. 2016. Conservation des semences dans les régions tropicales. ECHO Pratiques Exemplaires ECHO n° 5