Publié: 27/04/2018


Des informations en provenance du Sénégal

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Figure 9. Repiquage dans un champ paillé. Source: Noah Elhardt 

Noah Elhardt travaille avec le projet Beersheba au Sénégal. En août 2017, il a mentionné dans un post sur Facebook que les agriculteurs repiquaient des semis de mil dans leurs champs paillés (Figure 9) comme stratégie de lutte contre les attaques de mille-pattes, qui selon lui décimaient souvent les jeunes semis dans les champs ensemencés après les premières pluies. ECHO a contacté Noah pour plus d'informations, car nous avons entendu parler d'autres agriculteurs qui sont également confrontés à des dégâts causés par les mille-pattes.

« Un agriculteur voisin a essayé quelques techniques des FPA [NDT : Fondements pour l’agriculture] il y a quelques années, après les avoir vu fonctionner à la ferme. Il a ensemencé une semaine ou deux après les premières pluies, et a perdu toute sa récolte à cause des mille-pattes. Il n'a plus essayé les FPA depuis lors.

 «Cette année, les parcelles de nos classes communales du projet sont florissantes: des haricots, le sorgho, le mil et le maïs. Tous ont été semés le jour de la première pluie. Beaucoup de nos stagiaires (qui ont leurs propres parcelles de FPA) étaient un peu en retard, et n'ont pas mis leurs semences en terre avant une semaine ou plus, et ils ont perdu près de 100% de leurs récoltes de mil et de sorgho, des pertes moyennes pour les haricots, principalement à cause des mille-pattes. Les stagiaires qui ont semé le mil tôt et en grandes quantités ont pu obtenir un bon peuplement. D'après ce que nous avons observé, les mille-pattes sortent en masse après environ une semaine de saison des pluies. Si vous avez mis des semences en terre avant la pluie (comme le font des agriculteurs locaux d’ici avec le mil) ou si vous êtes prêt à semer dès la première bonne pluie, je pense que vous pouvez prendre une avance sur eux. Autrement, ils peuvent être assez dévastateurs. Plusieurs agriculteurs/stagiaires ont fait des observations sur un lien entre le paillis et les mille-pattes, mais je ne suis pas encore en mesure de définir ce lien. Il est certainement possible d'avoir du succès avec beaucoup de paillis (nous aurions perdu toute notre récolte de maïs cette année sans cela!), Mais je pense que le moment de l'ensemencement et/ou du paillage pourrait être critique si les mille-pattes posent un problème.

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Figure 10. Mil ensemencé directement (en haut) et mil repiqué (en bas). Source: Noah Elhardt

« Nous avons demandé à Benoît, l'ancien stagiaire ayant la plus longue expérience avec les FPA, s'il rencontre des problèmes avec les mille-pattes. Il a dit oui, qu’il en rencontre. Comment les combat-il? Il tue chaque mille-pattes qu'il voit avec sa houe. Je suppose qu'il passe beaucoup de temps dans son champ. »

Noah a fait une mise à jour fin septembre. « Pour passer en revue, nous avons perdu une partie de notre champ de mil et une grande partie notre champ de sorgho qui ont été semés plus d'une semaine après les premières pluies de cette année à cause de la prédation des mille-pattes pendant la phase de semis. Cela a posé problème ici dans le passé, à la fois dans et en dehors de notre champ. Comme il s'agissait de parcelles FPA, nos stagiaires ne voulaient pas gaspiller les trous de zaï paillés remplis de compost. Comme nous éclaircissions d'autres champs de mil et de sorgho (ceux qui avaient été semés dès la première pluie), beaucoup de stagiaires ont choisi de prendre les plantes qui avaient été éclaircies (arrachées du sol), de les tailler (enlever la partie supérieure des pousses) et de les repiquer dans leurs parcelles de FPA qui n’avaient pas réussi.

« 11 jours après le démarrage de la saison des pluies, nous avons subi une période de sécheresse de 3 semaines. Autrement, il s'agit d'une saison pluvieuse moyenne en termes de longueur (3 mois) et de précipitations (~ 500 mm). Nous avons fait le repiquage du 32ème au 35ème jour (première pluie après une période sèche). Nous aurions probablement repiqué plus tôt si les pluies l’avaient permis.

« Quoiqu’ayant subi un important choc du repiquage (encore une fois, ces plantes ont été arrachées d'un champ, pas doucement repiquées d'une pépinière), les parcelles de mil et de sorgho ont produit une récolte. En raison de la forte prédation des oiseaux sur la plupart de nos parcelles, je n'aurai pas de données significatives sur une production céréalière comparative. Cependant, comme vous pouvez le voir sur les photos de la figure 10, les parcelles repiquées sont significativement plus courtes et physiologiquement en retard par rapport aux parcelles ensemencées directement, mais produisent toujours une récolte raisonnable. Je parierais que le choc du repiquage pourrait être réduit en préparant les semis dans une pépinière, et qu’en les repiquant plus tôt pendant la saison des pluies, (si la pépinière est ensemencée avant le début des pluies) cela permettrait une saison de production plus longue et compenserait l'impact du choc du repiquage. Cela permettrait aussi d'avoir quelques semaines d'avance sur les mauvaises herbes! »

Des informations en provenance de l'Ouganda

Les mille-pattes ont également posé problème en Ouganda. Bill Stough a recueilli et partagé quelques informations avec Bob Hargrave:

« Les mille-pattes sortent (plutôt comme un fléau) et mangent les graines plantées, dans le sol avant que celles-ci ne germent. Ils dévastent particulièrement les haricots (presque totalement), mais aussi le maïs et le manioc. Avec le manioc, ils mangent les zones qui devraient être les endroits bourgeonnants, donc rien ne pousse. Ils semblent provenir principalement d'une zone géographique, la communauté immédiate. Les zones adjacentes ne sont pas affectées. Je n’ai pas pu déterminer si les sols différaient dans les villages voisins. Ils viennent après la longue saison sèche (c'est dans une région bimodale), presque immédiatement après les pluies initiales. Par la suite au cours de l'année, ils ne posent pas de problème. Durant une saison des pluies courte, ils ne posent pas de problème.

« Cela remonte à aussi longtemps que les gens peuvent se souvenir. Ils sèment simplement et perdent un pourcentage important de leurs récoltes, et c'est comme ça. Sortant de la saison sèche et entrant dans la période de la faim, ils n'ont d'autre choix que de tenter leur chance. Ils semblaient penser que les mille-pattes aimaient vivre sous la couverture de paillis. Je n’ai pas réussi à savoir s'ils pensaient que la couverture de paillis augmentait le problème. Mais à coup sûr, ils creusaient dans le sol et ciblaient les semences. Pratiquement toutes les parcelles de l’Agriculture à la manière de Dieu ont complètement perdu leurs haricots lors d’une mise en œuvre initiale. Fait intéressant, un homme a eu une récolte exceptionnelle de haricots de ses trois rangées, et aucun problème avec son maïs. Il avait semé avant les pluies, et presque immédiatement après avoir semé il y a eu une très grande pluie. Il a eu une bonne germination et une bonne récolte, et aucune perte causée par les mille-pattes. (Il avait effectivement omis de suivre les instructions d'attendre jusqu'à ce que les pluies se soient bien annoncées avant de semer; nous ne recommandons pas le semis à sec en raison du risque lié à l'imprévisibilité de la pluie et de la possibilité de perdre les semences.)

« Il semble se passer quelque chose de déséquilibré.

« Des questions et des idées: Quelle est leur principale source de nourriture? Y a-t-il une réponse à cela dans le fait que les mille-pattes sont là au début puis disparaissent? Leur véritable source de nourriture est-elle arrivée? Une plantation retardée de 10 jours ou plus pourrait-elle être la solution? Un autre mécanisme à valider est l’ECHELLE - cette couverture de paillis est-elle la seule couverture disponible dans les champs de l’Agriculture à la manière de Dieu, le seul véritable écosystème climacique disponible? L'échelle est-elle trop petite pour être un indicateur de l'activité des organismes nuisibles?

« Le neem, l'un des meilleurs pesticides naturels disponibles, a été suggéré comme solution. D'autres pesticides organiques sont de grands répulsifs qui devraient fonctionner sur les mille-pattes. Il y en a un de bon [Producing Food Without Pesticides (Produire de la nourriture sans pesticides)] proposé par Lowell Fuglie.

« Mais je sens vraiment qu'il y a quelque chose qui ne va pas dans l'écosystème, un facteur étant que cela posait problème avec les méthodes traditionnelles avant l'introduction du paillage.»

Informations liées à la recherche

Tim Motis a trouvé une thèse d'Ernst Ebregt sur les mille-pattes et les charançons de la patate douce en Ouganda (http://edepot.wur.nl/41168).

Tim a fait l’observation suivante: «Je peux comprendre qu’il soit difficile de concevoir un effort de recherche autour d'un événement qui ne se produit que si peu de temps au cours de l'année. Si vous essayez l'une des interventions de piégeage ou d'appât dans la thèse d'Ebregt, je serais très curieux de savoir comment ils fonctionnent. »

Citons ci-dessous quelques mesures potentielles qui apparaissent vers la fin (pages 150-151) de la thèse d'Ebregt:

« Le ramassage des mille-pattes à la main

«Au petit matin et par temps nuageux / pluvieux au début de la première saison des pluies (par exemple dans le nord-est de l'Ouganda en mars / avril), on voit des milliers de mille-pattes se déplacer en abondance. A partir de ce moment on peut les ramasser avec la main. 

« Piégeage des mille-pattes

«Les mille-pattes sont généralement actifs pendant la nuit et se cachent dans des refuges pendant la journée: des recherches préliminaires ont été effectuées, en attrapant des mille-pattes avec des pièges à fosse appâtés et à l'aide de piles de lianes de patate douce entassées ou de tuiles de toiture

« Pièges à fosse appâtés

«Dans une expérience préliminaire de l'auteur, des pièges appâtés ont été plantés dans un champ de patate douce. Des ‘extraits’ d'arachide, de patate douce, de manioc et de maïs ainsi que de la mélasse ont été utilisés comme appâts. Toutefois, les appâts et leur composition devraient être améliorés et d'autres appâts appropriés et prometteurs devraient être expérimentés ... Des expériences de suivi sur le terrain avec des pièges à fosse appâtés dans les champs de patate douce, d'arachide, de maïs et de manioc devraient être effectuées.

« Les tas d'herbe comme 'pièges'

«Dans une autre expérience préliminaire, il est apparu que l'herbe empilée en tas, provenant d'un champ de patate douce défrichée, fonctionnait comme pièges ‘biologiques’, l'avantage étant que des matériaux locaux bon marché pouvaient être utilisés. Des expériences de terrain devraient être conçues et réalisées.

« Des tuiles de toiture comme 'pièges'

«Dans une autre expérience préliminaire, les tuiles semblaient être des cachettes pour les mille-pattes pendant la journée, mais pendant les journées chaudes et ensoleillées, les mille-pattes creusaient dans le sol et étaient difficiles à atteindre. L'efficacité des tuiles ou d'autres dispositifs qui fonctionnent comme des «pièges» doit être testée sur le terrain.

« Utilisation de plantes pour lutter contre les mille-pattes

« ... Dans des recherches préliminaires dans le nord-est de l'Ouganda, des extraits de neem (Azadirachta indica), de d’épimède (Ageratum conyzoides), de souci africain (Tagetes spp.), de tabac (Nicotiana tabacum) et de piments (Capsicum spp.) ont été utilisés. De même, de la cendre et des crottins de chèvres ont été trempées dans de l'urine. Ceux-ci ont montré des résultats peu satisfaisants en raison de problèmes logistiques et de conditions météorologiques sèches. Les analyses de laboratoire et de terrain pour déterminer les effets répulsifs et insecticides des extraits de plantes locales sur les charançons de la patate douce et les mille-pattes sont cruciales. Ces essais peuvent être utilisés pour évaluer la pertinence des options de lutte, qui s'inscrivent dans une approche intégrée de la production végétale et de la lutte antiparasitaire au niveau de la patate douce, de l'arachide, du maïs et du manioc.»

Citer comme suit:

ECHO Staff 2018. Les dégâts causés par les mille-pattes après les premières pluies. Notes de développement de ECHO no 139