Par: Ben Fisher et le personnel de ECHO
Publié: 25/01/2016


Introduction

EDN 130 figure 1

Figure 1: La démonstration du jardin urbain de ECHO utilise des pneus pour planter une variété de légumes (comme ce piment fort de brousse, Capsicum frutescens ‘le Pétard Indien’,) et des arbres fruitiers (source: le personnel de ECHO).

En essayant de trouver des contenants de plantation abordables dans les pays en développement, les organisations et les travailleurs ont partout favorisé l’utilisation d’une ressource de déchets facilement disponible: les pneus. Au fil des ans, beaucoup ont demandé à savoir si oui ou non les pneus contiennent des produits chimiques nocifs qui pourraient s’introduire dans vos cultures. Cet article a été écrit pour communiquer ce que nous avons trouvé après des recherches dans la littérature sur le sujet.

Une grande partie de la littérature sur le sujet se rapporte à des pneus qui ont été recyclés en petites particules. Comparativement à la paroi latérale d’un contenant en pneu, la surface du pneu en contact avec la terre de plantation est beaucoup plus grande avec de petits morceaux de caoutchouc. Une grande partie des informations disponibles se rapporte également à des toxines dans des cendres de pneus brûlés ou celles lixiviées à partir de matériaux de pneumatiques soumis à des solutions fortement acides. Les contenants de jardin en pneus ne sont pas bien sûr convertis en cendres. En outre, la terre utilisée pour faire pousser les plantes dans des pneus n’est presque pas aussi acide que les solutions souvent utilisées pour étudier les contaminants dans les lixiviats de pneus.

Néanmoins, les pneus contiennent bel et bien des quantités infimes de quatre métaux qui sont connus pour être toxiques pour l’homme. La plupart des discussions ci-dessous se rapporte à des éléments métalliques, mais il y a aussi une brève discussion sur les contaminants organiques. L’article se termine avec des pratiques suggérées pour rendre le jardinage dans les pneus aussi sûr que possible. Cet article ne vise pas à être exhaustif ou définitif. En fonction des commentaires et de ce que nous aurons appris, nous sommes ouverts à des articles de complément.

Métaux traces

Le cadmium

Le cadmium peut être très toxique pour les humains. Heureusement, dans les pneus, on ne le trouve que dans des quantités infimes sinon pas du tout. Dans une étude au Royaume-Uni, des fragments de pneus fabriqués par dix sociétés différentes ont été exposés à une solution acide (à un pH de 2,5) pour voir à quel point chacun des métaux se lessiverait (Horner 1996). Dans cette étude, la concentration en cadmium dans le lixiviat a été considérée comme négligeable, allant de 0 à 3 ppm. Dans une étude réalisée au Népal, les cendres provenant de la combustion de pneus fabriqués par une entreprise en Chine (Yin Zhu) contenaient beaucoup plus (27 ppm) de cadmium (Shakya et al., 2006); c’était le seul des pneus de quatre sociétés asiatiques avec des concentrations de cendres de cadmium supérieures à 0,1 ppm. Notez que les sols, même sans polluants industriels contiennent du cadmium. La concentration de cadmium dans les sols agricoles des Etats-Unis --- où il n’y a pas de contamination métallique par des polluants --- varie entre environ 0,1 et 1,0 ppm (Holmgren et al. 1993). Les sols à proximité de sites industriels contiennent souvent 24 ppm ou plus de cadmium.

Dans une étude réalisée au Redeemer University College, on a trouvé dans un échantillon de pneu 0,9 ppm de cadmium. Cependant, des fragments de pneus trempés dans des solutions avec un pH compris entre 3 et 8 n’ont pas eu des quantités mesurables de lixiviation de cadmium sur une période de six semaines (Berkelaar 2016). En outre, des plants de laitue (connus pour leur capacité à accumuler facilement le cadmium) qui poussent dans des solutions d’hydroculture contenant des fragments de pneus ne contiennent pas plus de cadmium que les plantes qui poussent dans des solutions sans pneus. Fondamentalement, tandis que les pneus contiennent un peu de cadmium, il n’y a aucune preuve que cela pourrait facilement se lessiver des pneus ou être absorbé par les plantes, du moins pendant la tranche de temps de l’étude.

Le chrome

Le chrome peut aussi avoir des effets négatifs sur la santé humaine. Sa toxicité dépend de la forme (état de valence) dans lequel il existe. La dégradation de minéraux résulte en un Cr3+ qu’on retrouve dans la nature (Ahmad et al. 2013). Celui qui soulève la plus grande préoccupation est le Cr6 +, qui résulte de l’activité industrielle (les colorants, les peintures et le tannage du cuir) et est mobile dans le sol. Ce métal n’a même pas été mentionné dans l’étude britannique (Horner 1996). Dans l’étude du Népal, la présence de chrome dans les cendres de pneu a été considérée comme faible (0,14 à 1,18 ppm). Dans le sol non contaminé, le chrome se produit à des concentrations allant de 10 à 50 ppm (Risikesh Thankur et al. 2016). La matière organique du sol est capable de se lier (adsorber) et / ou convertir (réduire) le Cr6+ au moins toxique Cr3+ (Bartlett et Kimble 1976; Lee et al. 1999).

Le plomb

Le plomb est plus concentré (8,1 à 22,33 ppm selon Horner, 1996) dans les pneus que le cadmium ou le chrome. Sa concentration dans les sols varie de 10 à 50 ppm, avec des quantités beaucoup plus élevées possibles (150 jusqu’à 10 000 ppm) dans les zones urbaines (Stehouwer et Macneal 2016) en raison de la combustion historique de carburants au plomb. Seule une petite fraction du plomb dans le sol est disponible pour les plantes (Porrut et al. 2011). Il n’a aucune fonction essentielle dans les plantes, mais peut être absorbée à partir de la solution du sol par les racines. Dans l’étude britannique mentionnée précédemment, la quantité de plomb trouvée dans les lixiviats a été considérée comme négligeable; cependant, ils ont mesuré 1160 ppm de plomb dans le sol d’un site de décharge de pneus. Il s’agit là d’un point à prendre en compte, car il est probable que la panne éventuelle et la dégradation importante des pneus soient la source de cette contamination. Les plantes peuvent absorber certaines formes de plomb et vont parfois commencer à montrer des symptômes de toxicité elles-mêmes, donc c’est quelque chose sur lequel il faut faire des recherches. Il reste également à voir comment le plomb est disponible pour les plantes. Pour compliquer les choses, les plantes peuvent contenir des quantités inquétantes d’éléments traces et ne pas montrer de toxicité.

Le zinc

On trouve le dernier métal trace dans les plus grandes concentrations et s’est avéré comme étant un important polluant et un lixiviat de pneus: le zinc. On trouve le zinc en quantités considérables dans les pneus, allant de 2524 à 6012 ppm dans l’étude britannique. L’étude népalaise a également constaté de très grandes quantités de zinc. Le zinc est en fait un micronutriment essentiel pour les plantes et pour les êtres humains; chez l’homme, il a été démontré qu’il peut aider à combattre le rhume et a d’autres avantages pour la santé. Le zinc peut être toxique pour les humains, mais dans mes recherches, je trouve que ces quantités doivent être assez élevées (par exemple, plus de 50 mg / jour, selon Brown et al. 2001), et les symptômes disparaissent en arrêtant tout simplement la consommation de quantités excessives, du fait que les gens sont capables de métaboliser le zinc. Dans une étude sur les lixiviats de pneus broyés, il a été dit que le zinc est présent en des quantités qui peuvent être nocives pour les plantes, mais les auteurs de l’étude ont conclu que la toxicité pour l’homme était peu probable (EHHI 2007).

A quelle quantité un élément dans le sol est-il considéré comme dangereux?

Il a été difficile de glaner des valeurs exactes dans la documentation sur ce qui constitue des concentrations de sol dangereuses ou pas, de chacun des métaux traces mentionnés ci-dessus. En grande partie, cela s’explique par le fait que l’absorption de métaux par les plantes varie avec un certain nombre de facteurs liés au sol, dont le pH, la matière organique, la température et la concentration des autres minéraux du sol tels que le phosphore ou le calcium. Grubinger et Ross (2007), cependant, ont fourni des valeurs du Département de conservation environnementale de New York (Décembre 2006) qui peuvent servir de point de départ pour évaluer la limite supérieure acceptable de chaque élément aux fins d’utilisation sur des terres agricoles. Ces valeurs, en mg/kg (ppm), sont les suivantes: 0,43 (cadmium); 11 (chrome); 200 (plomb) et 1100 (zinc). Reconnaître que 1) certains métaux peuvent être naturellement présents dans la terre mise dans des pneus; 2) certains contaminants, en particulier près du bord des routes ou dans les zones urbaines, peuvent provenir d’autres sources en plus des pneus; et 3) les indications pour d’autres pays et régions peuvent varier.

Les contaminants organiques

Ceux-ci comprennent le disulfure de carbone, le toluène, le phénol et le benzène. Dans un examen distinct de la recherche sur les contaminants de pneus, Sullivan (2006) a cité plusieurs documents de l’Organisation mondiale de la santé en affirmant que les pneus contiennent des substances organiques potentiellement nocifs, mais la toxicité pour l’homme serait peu probable dans les quantités lessivées à partir du caoutchouc. Sullivan a déclaré que les contaminants organiques sont les plus susceptibles d’être lessivés à un pH du sol élevé.

Les meilleures pratiques pour réduire les risques

En prenant toutes ces choses en considération, voici quelques récommandations concernant l’utilisation de pneus comme contenants de plantation:

  1. D’abord, n’utilisez pas des pneus qui sont fortement dégradés. C’est probablement une bonne chose d’utiliser des pneus qui ont été abandonnés à cause de la bande de roulement dégarnie, mais évitez ceux qui sont défaits ou déchirés en morceaux.
  2. Évitez le contact du sol avec des surfaces coupées, car le lessivage sera plus susceptible de se produire le long de ces surfaces qu’ailleurs. S’il est difficile d’éviter les surfaces coupées, le pneu pourrait être doublé/garni avec une sorte de matière pour aider à minimiser le contact.
  3. Tenez compte de votre sélection de cultures. Les métaux traces sont les plus susceptibles de se concentrer dans les racines, étant moins présents dans les feuilles et les tiges, et encore moins dans les fruits et les fleurs. Outre le fait que les légumes-racines sont des cultures déjà difficiles à cultiver dans l’espace limité du pneu, cela peut être une autre raison de cultiver des légumes-fruits en lieu et place. En outre, si vous êtes préoccupé par la toxicité, évitez les crucifères (par exemple le chou, le brocoli, le chou-fleur), qui accumulent facilement les métaux traces.
  4. Utilisez de la terre non acide avec beaucoup de matière organique. A un pH du sol proche de la neutralité (7,0), la plupart des métaux traces sont moins disponibles pour les plantes, et les contaminants organiques sont également moins susceptibles d’être lessivés. Des matières organiques telles que les feuilles compostées et le fumier ont une abondance de sites d’échange qui fixent les ions métalliques, les empêchant d’être absorbés par les plantes.

Ouvrages cités:

Ahmad, A., I. Khan et H. Diwan. 2013. “Chromium Toxicity and Tolerance in Crop Plants” (La toxicité et la tolérance du chrome dans les plantes). Dans Crop Improvement Under Adverse Conditions (l’amélioration des cultures dans des conditions défavorables), édité par Narendra Tuteja et Sarvajeet Singh Gill, 309-32. Springer New York. http://link.springer.com/chapter/10.1007/978-1-4614-4633-0_14.

Bartlett, J. R. et J. M. Kimble. 1976. “Behavior of Chromium in Soils: II. Hexavalent Forms1” (Comportement du chrome dans les sols: II. Formes Hexavalentes 1). Journal of Environment Quality 5 (4): 383. doi: 10.2134/jeq1976.00472425000500040010x.

Berkelaar, E. 2016. Communication personnelle.

Environment and Human Health Inc. 2007. Artificial Turf: Exposures to Ground Up Rubber Tires-Athletic Fields, Playgrounds, Garden Mulch. (Gazon artificiel: Expositions à des pneus broyés — terrains de sport, terrains de jeu, paillis). http://www.ehhi.org/reports/turf/health_effects.shtml.

Grubinger, V. et D. Ross, 2011. Interpreting the Results of Soil Tests for Heavy Metals (Interprétation des résultats des tests de sol pour la detection de métaux lourds). Université du Vermont Extension.

Horner, J. M. 1996. “Environmental Health Implications of Heavy Metal Pollution from Car Tires.” (Les conséquences sur la santé environnementale de la pollution des métaux lourds à partir de pneus de voiture). Reviews on Environmental Health 11, no. 4: 175–78.

Lee, Suen-Zone, Lizone Chang, et Robert S. Ehrlich. 1999. “The Relationship between Adsorption of Cr(VI) and Soil Properties” (La relation entre l’adsorption du Chrome (VI) et les propriétés du sol). Journal of Environmental Science and Health, Part A 34 (4): 809–33. doi: 10.1080/10934529909376867.

Shakya, P.R., P. Shrestha, C.S.Tamrakar et P.K. Bhattarai. 2006. Studies and Determination of Heavy Metals in Waste Tyres and their Impacts on the Environment (Etudes et Détermination des métaux lourds dans les déchets de Pneus et leurs impacts sur l’environnement). Pak. J. Anal. & Envir. Chem. Vol. 7, No. 2.

Stehouwer, R. et K. Macneal. “Lead in Residential Soils: Sources, Testing, and Reducing Exposure (Crops and Soils) [Le plomb dans les sols résidentiels: Sources, tests et réduction de l’exposition (cultures et sols)]. 2016. Crops and Soils (Penn State Extension). Consulté le 13 Janvier. http://extension.psu.edu/plants/crops/esi/lead-in-soil.

Sullivan, J.P. 2006. An Assessment of Environmental Toxicity and Potential Contamination from Artificial Turf using Shredded or Crumb Rubber (Une évaluation de la toxicité environnementale et de la contamination potentielle par le gazon artificiel en utilisant du caoutchouc déchiqueté ou émiété). Soumis à Turfgrass Producers International. www.ardeaconsulting.com/pdf/Assessment_Environmental_Toxicity_Report.pdf.

Thakur, Risikesh, G. D. Sharma et B. S. Dwivedi et S. K. Khatik. 2016. “CHROMIUM : AS A POLLUANT. I Control Pollution.”(LE CHROME: EN TANT QUE POLLUANT. Je contrôle la pollution.) Consulté le 12 Janvier. http://www.icontrolpollution.com/articles/chromium--as-a-polluant-.php?aid=45697.

Citer comme suit:

Fisher, B. and ECHO staff 2016. Les contaminants des pneus dans une perspective de cultures en contenants. Notes de développement de ECHO no 130