Par: Stacy Swartz
Publié: 04/10/2021


Cet article est le quatrième et dernier segment de la série Lutte intégrée (LI) de ECHO axée sur les insectes ravageurs. Les trois premiers articles sur la prévention [http://edn.link/prevent], la surveillance [http://edn.link/ipm2], et la clutte contre les insectes ravageurs [http://edn.link/ipm3] sont disponibles sur  ECHOcommunity.org. Cet article se concentrera sur l'évaluation des stratégies de lutte antiparasitaire et sur celles à inclure et à prioriser pour une mise en œuvre future.

Surveillez les populations de ravageurs après la mise en œuvre de la stratégie

4  Les délais de sécurité (DS) sont des périodes de temps nécessaires pour qu'un pesticide appliqué se décompose, se dissipe ou se dépose suffisamment pour qu'un travailleur agricole puisse entrer à nouveau dans la zone de culture sur laquelle un pesticide a été appliqué en toute sécurité. Une personne a besoin d'une formation spécialisée et éventuellement d'un équipement de protection supplémentaire pour entrer dans une zone de culture avant l'expiration du DS.

Après avoir tenté de prévenir ou de combattre un ravageur, les agriculteurs doivent surveiller l'activité des ravageurs pour évaluer avec précision l'efficacité de leurs interventions et de leur approche globale de lutte. La surveillance des ravageurs et l'évaluation de l'efficacité d'une stratégie préventive peuvent nécessiter du temps et de la patience, car de nombreuses stratégies préventives prennent des semaines, des mois, voire des années de mise en œuvre. Surveillez de manière intensive les stratégies préventives au début d'une saison de culture pour déterminer si la stratégie empêche les populations de ravageurs de s'accumuler ou d'entrer dans le champ. Pour évaluer l'efficacité d'une stratégie de suppression destinée à contrôler les ravageurs existants, surveillez les populations de ravageurs à court terme— quelques jours après l'intervention pour assurer la protection des cultures. Si vous utilisez une intervention chimique pour lutter contre un organisme nuisible, commencez à surveiller les organismes nuisibles seulement après qu'il soit possible de rentrer dans les zones d'application en toute sécurité. Les délais de sécurité (DS)4 doivent être indiqués sur les étiquettes des produits ou trouvés en recherchant l'ingrédient actif ou le nom usuel du pesticide. Le tableau 2 énumère quelques exemples de différentes stratégies de lutte et quelques délais estimés pour le suivi. 

Tableau 2. Considérations sur le calendrier de surveillance pour quatre stratégies de lutte contre les insectes.
Stratégie Type de lutte Catégorie de lutte Faites le suivi du calendrier
Tranchées (e.g. lutte contre les coléoptères préventative culturale Surveillez au cours de la première saison, en particulier le début du cycle de vie des ravageurs dans la région.
Attirer les insectes utiles préventative biologique Suivi sur plusieurs années, y compris en contre-saison lorsque les cultures ne poussent pas.
Pulvérisation de pesticides systémiques* suppressive chimique Surveillez dans les 3 à 10 jours suivant la pulvérisation. 
Les pesticides systémiques peuvent prendre plusieurs jours pour se déplacer dans toutes les parties de la plante après leur absorption pour être efficaces.
Pulvrisation de savon et d’huile suppressive mécanique/physique Surveiller après que le savon et l'huile ont séché (dans les 2 jours). Le savon et l'huile agissent sur l'extérieur du ravageur, l'étouffant ou détruisant les tissus externes. La pulvérisation n'est efficace qu’aussi longtemps qu'elle reste humide et entre en contact avec les ravageurs.
* Les pesticides systémiques sont ceux qu'une plante absorbe puis distribue dans tous les tissus végétaux pour atteindre toutes les parties de la plante.

La surveillance des niveaux d'organismes nuisibles peut être effectuée avec les mêmes techniques que celles décrites dans le deuxième article [http://edn.link/ipm2#sampling] (par exemple, divers pièges, filets, etc.). L'activité des ravageurs peut différer selon les interventions utilisées. Certaines interventions sont toxiques, provoquant la mort d'un ravageur à un ou plusieurs stades de sa vie. D'autres sont dissuasifs, ce qui fait que les ravageurs quittent la culture. D'autres encore provoquent des changements dans le comportement des ravageurs, tels que l'incapacité de muer ou de se nourrir, et prennent plus de temps pour avoir un effet mortel que les interventions toxiques. Par conséquent, il est utile de savoir comment une stratégie affecte un organisme nuisible lors de la surveillance. 

EDN153 Figure 4 French

Figure 4. Une capture d'écran de l'application ECHOcommunity après avoir saisi les observations de gestion des ravageurs dans la fonction d'événement de cycle de vie. Source: application ECHOcommunity

Lors de la surveillance, notez les observations sur l'efficacité des interventions de lutte antiparasitaire et les facteurs susceptibles d'influencer leur efficacité.

  • Quel(s) stade(s) de vie des ravageurs ciblés est/sont touché(s)?
  • Dans quelle mesure l'intervention est-elle létale/dissuasive pour chaque étape de la vie ?
  • Combien de temps faut-il pour affecter le ravageur?
  • Y a-t-il quelque chose d'unique dans la météo ou l'environnement qui peut avoir un impact sur l'efficacité d'une stratégie ? 

Ces notes sont utiles lors de l'évaluation des interventions à inclure ou à exclure d'un plan de lutte intégrée. L'application ECHOcommunity (Figure 4) permet à l'utilisateur de suivre et d'enregistrer des informations sous la fonction « My Plant Records ». Sélectionnez « Add a Lifecycle Event » -> «Pest» et enregistrez les informations dans la section des notes. Les notes utiles à enregistrer sont la stratégie de lutte, les notes de suivi (à la fois avant et après la mise en œuvre de la stratégie) et d'autres observations. La fonctionnalité permet également d'ajouter des photos à la saisie.

Le suivi est essentiel non seulement pour évaluer l'efficacité d'une intervention mais aussi pour la protection continue d'une culture. Si une stratégie ne lutte pas contre une population de ravageurs, répétez ou utilisez une autre stratégie.

Évaluez les stratégies

De nombreux facteurs influent sur l'efficacité d'une stratégie de lutte antiparasitaire. La pluie survenant peu de temps après une application foliaire peut limiter la quantité de produit restant sur la plante pour lutter contre le ravageur. La température de l'air et l'intensité de la lumière du soleil peuvent avoir une incidence sur la rapidité avec laquelle un pesticide (naturel ou synthétique) se décompose et, par conséquent, sur la durée d'exposition d'un organisme nuisible. L'exposition des ravageurs à un pesticide est également influencée par l'uniformité avec laquelle il est pulvérisé, la taille des gouttelettes et la surface (par exemple, le dessous des feuilles, le dessus des feuilles ou le couvert entier) de la feuille qui a été pulvérisée. 

Les considérations d'un agriculteur sont vitales pour un plan de lutte intégrée réussi et significatif. Un investissement durable et à long terme dans l'atténuation des effets des ravageurs n'est bon que dans la mesure où il est acceptable pour un agriculteur ou une communauté agricole. C'est donc l'appréciation de l'agriculteur qui détermine la valeur d'une stratégie. Les dégâts acceptables sur une culture dépendent d'un certain nombre de facteurs, dont beaucoup sont propres au contexte d'un agriculteur spécifique. Les facteurs que les agriculteurs devraient prendre en compte pour évaluer le mérite d'une stratégie sont présentés dans le tableau 3.

Tableau 3. Considérations des agriculteurs ayant une incidence sur l'évaluation des stratégies de lutte intégrée.
Facteur Explication
Utilisation prévue pour la culture Les dégâts causés par les ravageurs sur une culture fourragère comme le napier (Pennisetum purpureum) sont généralement plus acceptables que les dégâts causés par les ravageurs sur une culture ornementale comme l'hibiscus (Hibiscus spp.).
Maturité de la culture Les plantes sont plus sensibles aux dégâts lorsqu'elles sont jeunes, de sorte que les interventions sont souvent plus bénéfiques lorsqu'elles sont appliquées plus tôt que plus tard dans le cycle de vie d'une culture.
Disponibilité des ressources Si un agriculteur doit parcourir une longue distance ou ne peut pas trouver les matériaux nécessaires à une stratégie, cela réduira la valeur de la stratégie.
Accessibilité des ressources Si un agriculteur ne peut pas se déplacer pour obtenir des matériaux en raison des limitations des infrastructures ou des conditions météorologiques, ou n'a pas les moyens d'acheter les matériaux, cela réduira la valeur de la stratégie.
Disponibilité de l’information Si un agriculteur ne peut pas trouver des informations sur un pesticide ou une stratégie, cela réduira la valeur de la stratégie.
Accessibilité de l’information Si un agriculteur est illettré et que les informations disponibles sont toutes écrites ou si les instructions de stratégie ne sont pas dans sa langue maternelle, cela réduira la valeur de la stratégie.
Coût de la stratégie Le rapport coût/efficacité d'une stratégie doit être économiquement favorable pour l'agriculteur.
Contraintes de temps Si un agriculteur n'a pas le temps de pulvériser un pesticide plusieurs fois, une stratégie qui nécessite une répétition aurait moins de valeur.
Contraintes de main-d’oeuvre Si un agriculteur n'a pas assez d'énergie ou de main-d'œuvre pour mettre en œuvre une stratégie (tranchées), cela réduira la valeur de la stratégie.
Toxicité Si une stratégie est hautement toxique (taux de mortalité élevé) pour le ravageur, un agriculteur peut la valoriser davantage. Si une stratégie est hautement toxique pour les espèces non ciblées, comme les abeilles, un agriculteur peut la valoriser moins.
Impact(s) environmental/aux  Si une stratégie a un impact négatif sur l'environnement, un agriculteur peut la valoriser moins.
Opinions de la société  Si la communauté n'accepte pas, n'apprécie pas ou ne se sent pas en sécurité avec une stratégie, un agriculteur peut l'apprécier moins.
Pratiques traditionelles  Si une stratégie va à l'encontre des pratiques traditionnelles, il peut être difficile pour un agriculteur de changer et d'aller à l'encontre des normes culturelles.

Les agents de développement, les agents de vulgarisation et d'autres praticiens peuvent aider à guider les agriculteurs en posant des questions sur leur satisfaction à l'égard d'une stratégie qu'ils ont utilisée ou simplement en surveillant la culture aux côtés de l'agriculteur et en lui demandant de leur parler des succès et des défis de la saison de culture. 

Apportez des ajustements axés sur les objectifs au plan de lutte intégrée

L'établissement d'objectifs peut survenir à n'importe quel moment du processus décisionnel de lutte intégrée, mais le bon moment pour les réévaluer est après être intervenu pour lutter contre une population de ravageurs. Dans la mesure du possible, considérez la durabilité comme l'objectif primordial des plans de lutte antiparasitaire. La durabilité économique, sociale et environnementale d'un plan est importante pour le contrôle continu à long terme des ravageurs agricoles. Le fait d'avoir et de corriger un ensemble d'objectifs peut consolider un plan de lutte antiparasitaire autour d'idées fondamentales qui sont importantes pour un agriculteur ou une communauté agricole.

Voici un exemple d'ensemble d'objectifs : 

  1. Atténuation des pertes de récolte (pas moins d'un nombre minimum de kg/acre)
  2. Réduction à long terme de la présence et de la pression des ravageurs
  3. Faibles impacts sur l'environnement
  4. Acceptabilité par la communauté environnante
EDN153 Figure 5 Fr

Figure 5. Étapes d'un exemple de cycle de lutte intégrée. La planification peut commencer à n'importe quel stade du cycle, et l'ordre des étapes est flexible. L'icône de la pyramide indique les stratégies qui préviennent ou éliminent les insectes ravageurs. Source: Adapté de farmbiosecurity, Creative Commons Attribution 3.0 license

Il est maintenant temps de boucler la boucle de la lutte intégrée, en évaluant les stratégies à utiliser pour les saisons futures, y compris les modifications apprises ou adoptées ainsi que les enseignements tirés des saisons précédentes. Comme indiqué dans les articles précédents, la lutte intégrée est un processus continu (Figure 5) qui devrait s'améliorer au fil du temps à mesure que vous acquérez de l'expérience, observez les ravageurs, mettez en œuvre des stratégies pour lutter contre les populations de ravageurs et évaluez les décisions que vous avez prises.

En apprenant, en observant et en agissant, vous pouvez évaluer les résultats et déterminer si les décisions de lutte antiparasitaire sont conformes à vos objectifs. Ce processus est l'évaluation de la stratégie.

Une approche de l'évaluation consiste à énumérer les stratégies sous chaque objectif qu'elles abordent par ordre d'efficacité. Les stratégies les plus fréquemment répertoriées et les mieux classées devraient être conservées/ajoutées à un plan de lutte antiparasitaire. Supprimez les stratégies que vous ne mettrez plus en œuvre, en notant pourquoi elles seront abandonnées. Par exemple: 

  1. Faites tourner les différents modes d'action pour les pulvérisations chimiques contre les punaises pentatomes.
  2. Établissez des plantes à fleurs blanches avec des nectaires pour les prédateurs bénéfiques des punaises pentatomes.
  3. Communiquez avec les agriculteurs voisins sur le calendrier des interventions pour lutter contre les punaises afin que nous soyons plus synchrones dans nos efforts de lutte.
  4. Des plantes amies de tournesols pour attirer les punaises pentatomes loin de la culture principale: trop exigeante en main-d’œuvre et ne semblait pas faire une grande différence pour la quantité de travail nécessaire. On n’a peut-être pas programmé la période de plantation au bon moment pour piéger efficacement les punaises pentatomes. 

Réflexions finales

Les agriculteurs peuvent adopter d'autres approches pour évaluer la valeur du maintien par opposition à l’élimination d'une stratégie d'un plan de lutte intégrée, y compris la mise en œuvre et la mesure de l'impact de chaque stratégie dans des zones isolées d'un champ. Les agriculteurs connaissent et comprennent mieux leurs champs et leurs cultures parce qu'ils sont les plus présents dans leurs champs et connaissent l'histoire saisonnière de la production agricole régionale. La créativité inhérente des agriculteurs pour résoudre les problèmes de ravageurs a le potentiel de faire avancer les stratégies de lutte intégrée et doit être encouragée. Cherchez des occasions de glaner des idées auprès des agriculteurs sur la façon de lutter efficacement contre les ravageurs et d'améliorer l'équilibre global des agroécosystèmes.