EDITORIAL
C'est lors du premier forum de ECHO, tenu à Ouagadougou en 2010, que l'ingénieur agronome togolais Jean Apedoh a suivi le module sur le système de riziculture intensive (SRI).
Dès son retour dans son pays, il a non seulement approfondi ses connaissances dans cette technique de riziculture, mais aussi, comme le veut la tradition à ECHO, il a travaillé à vulgariser le SRI au Togo, au Benin et dans quelques pays de la sous-région ouest africaine.
Jean Apedoh est devenu très vite un consultant spécialiste en matière du SRI en Afrique de l'Ouest.
C'est à ce spécialiste que nous avons demandé de nous conduire pas à pas dans le processus de la culture du riz par le SRI.
Suivez plutôt ses explications
Robert SANOU
Directeur de ECHO West Africa
1. Qu'est-ce que le SRI ?
Le système de riziculture intensive (SRI) est une méthodologie destinée à augmenter la productivité de la culture du riz en changeant le mode d’installation des plants, du sol, de l’eau et des nutriments tout en réduisant les intrants externes. Ainsi, le SRI est une combinaison des éléments de la relation sol-eau-plante-lumière de manière harmonieuse permettant à la plante d’exprimer son potentiel de production caché par les pratiques inappropriées. En terme pratique, il s’agit de produire le riz avec très peu de semences, d’eau, d’engrais, sur un sol riche en matière organique et bien aéré. Il permet de doubler le rendement en réduisant les coûts de production.
Le SRI a été découvert à Madagascar dans les années 1960 par l’agronome français Henri de Laulanié. Il est introduit au Mali par l’ONG Africare en 2007. Le 1er test a été effectué dans la zone de Tombouctou. Trois ans plus tard, des tests à grande échelle ont été menés par le projet Initiatives Intégrées pour la Croissance Economique au Mali (IICEM) dans les régions de Gao, Tombouctou, Mopti (zone avec maîtrise d’eau) et à Sikasso (zone pluviale).
2. Les étapes de mise en œuvre du SRI
2.1. La préparation de la pépinière
La pépinière SRI est exactement conçue comme une planche maraîchère avec une largeur de 1 m et une longueur variable de 4 à 10 m dépendant de la surface de la parcelle à repiquer. On utilisera 100 m2 pour repiquer 10 000 m2 soit 1ha.
La planche sera faite de manière à avoir un sol très ameubli, léger, avec une profondeur de 15 cm dépassant la longueur des racines qui se trouve à environ 10 cm. Il serait bon de faire un mélange de sable et fumure en tenant compte des sols des périmètres fortement argileux le plus souvent.
La méthode de la sélection des semences de bonne qualité se fera par le trempage des graines dans de l’eau tiède pendant 24h. Les graines qui surnagent seront mises de côté car constituées des balles vides. On divise la quantité en trois parties. 1/3 pour semer la première moitié et un autre 1/3 pour semer l’autre moitié. Le dernier 1/3 sera utilisé pour corriger les parties vides sur l’ensemble. Le repiquage se faisant avec de petits plants munis de motte de terre, il est indispensable de clairsemer la pépinière.
A la fin des semis il s’avère nécessaire de couvrir les graines par un peu de sable, faire le paillage de toute la pépinière et arroser matin et soir. Avec la germination on enlève progressivement la paille à partir du deuxième jour jusqu’au cinquième. Au stade de 2 feuilles, la plantule a environ 10 jours et le repiquage commence.
L’arrosage se fait avec un arrosoir utilisé par les maraîchers, ainsi la pépinière doit être située à côté d’un point d’eau. Vu la simplicité de la pépinière certains ont commencé à faire des planches à domicile, les transporter dans de petits casiers au champ. Il est important de savoir que le temps de l’enlèvement du plan au repiquage ne doit pas dépasser plus de 30 minutes.
Pour semer la planche on utilisera 8 kg de semence pour faire 10 000 m2 soit 1 ha.
2.2. Préparation du sol et repiquage
2.2.1. Préparation du sol
Une bonne préparation du sol est souhaitée pour avoir un bon rendement en général, mais dans le cas du SRI cette opération est indispensable à cause du développement spectaculaire des racines. Les premiers 20 cm doivent être bien ameublis. Les différentes opérations à faire sont : le labour, la mise en boue, le planage de la parcelle. Ces différentes opérations débutent un mois à l’avance et doivent finir une semaine avant le repiquage.
Le nivèlement de la parcelle doit être bien fait car le système d’irrigation est l’alternance de l’irrigation et le desséchement de la parcelle. On peut utiliser les équipements ordinaires, la barre de planage ou le motoculteur. Chacun utilisera les outils dont il dispose.
2.2.2. Le repiquage
Pour repiquer il faut prélever les plants dans la pépinière avec une pelle ou une daba et les mettre à la disposition de l’équipe qui fait le repiquage. Cette opération ne doit pas dépasser 30 minutes pour éviter le dessèchement des racines.
L'opération de repiquage se fait de manière bien soignée contrairement à la pratique conventionnelle. A partir de 8-10 jours, la plantule a deux feuilles. Le repiquage commence dans le sol boueux et collant sans lame d’eau. Il se fait en ligne à 25 cm X 25 cm avec un alignement dans les deux sens à l’aide de corde marquée à 25 cm. Cela donne l’avantage de faire le sarclo-binage dans les deux sens.
La plantule sera repiquée avec motte de terre lui permettant de faire la reprise en moins de 24h contrairement à la technique conventionnelle où il faut compter 4 jours avant la reprise. Le plant doit être légèrement glissé dans la boue sous forme de L au lieu de J avec la pratique courante.
Après le repiquage la parcelle doit être irriguée légèrement, l’humidité doit être maintenue pendant les deux premières semaines. La lame d’eau n’est pas toujours conseillée. Pendant ce temps le regarnissage peut se faire.
2.3. Comment faire la fertilisation du sol ?
Par l'application de la fumure organique: La fertilisation est fondamentalement basée sur l’utilisation en quantité de la fumure organique. On recommande d’appliquer 10-15 tonnes/ha. La fumure minérale est utilisée seulement pour corriger les déficits nutritionnels. Dans la pratique la dose 1/3 des quantités habituelles n’a pas été dépassée. La fumure organique enrichit le sol et améliore sa structure, surtout dans les périmètres irrigués où le lessivage du sol est très important par la quantité d’eau utilisée et mal drainée.
La fumure est appliquée avant le labour qui permet son enfouissement dans le sol.
3. L'irrigation des plants
Le principe de l’irrigation dans le SRI est l’alternance de l’irrigation et l’assèchement. La lame d’eau étant principalement utilisée pour contrôler les adventices n’est pas conseillée. Ce système d’irrigation commence à partir de la deuxième semaine. On envoie de l’eau qui imbibe bien le sol jusqu'à une lame de 2 cm. On arrête l’irrigation en laissant le sol se dessécher jusqu'à l’apparition des fissures sur le sol, c'est-à-dire à la demande du sol. Au stade de la floraison on peut maintenir une légère lame de 2-3 cm.
4. Le sarclage et le sarclo-binage, quels sont les avantages ?
Le sarclage fait partie des opérations les plus déterminantes dans le SRI à cause de l’absence de la permanence de lame d’eau dont le rôle est de contrôler les adventices.
Avec le repiquage en ligne on pourra désormais utiliser une sarcleuse manuelle ou même motorisée pour contrôler les herbes. Après le repiquage, la première et deuxième semaine, il faut faire le désherbage à la main, les plants étant fragiles et sont souvent collés au herbes. A partir de 20 jours de la date de repiquage on peut utiliser la sarcleuse. La fréquence du sarclage est de 10 jours mais tenir compte de l’enherbement du champ. On compte 4 opérations avant la fermeture du champ par le bon tallage qui caractérise le SRI. Le sarclage se fait dans la lame de 1-2 cm.
Le sarclage croisé est nécessaire.
L’opération effectuée par la sarcleuse est un sarclo-binage. Le binage consiste à remuer le sol pour faciliter son aération ce qui favorise le bon développement des racines. A travers cette opération les mauvaises herbes sont coupées et incorporées dans le sol avec le passage de la sarcleuse. Elles se décomposent et alors fertilisent le sol. La sarcleuse crée un effet de binage superficiel.
La succession de cette opération crée les conditions d’aération favorable à la bonne croissance du système racinaire qui explore mieux le sol pour satisfaire la demande d’un tallage important. Ces opérations en présence d’une bonne structuration du sol par la présence de la matière organique permet à la plante d’exprimer tout son potentiel de production car loin des conditions anaérobiques créées par la lame d’eau dans la pratique courante où ces opérations de sarclo-binage ne sont pas réalisables.
La sarcleuse est fortement appréciée des producteurs car elle permet d’économiser considérablement les coûts de main d’œuvre pour le désherbage, sans compter la qualité du travail qui est sans égale. Le travail de la sarcleuse contribue à un meilleur nivèlement superficiel de la parcelle.
5. Le rendement du SRI
Rendement moyen de 7-8 T/ha avec une fourchette de 4-12 T/ha.
6. Etude comparée entre le SRI et la pratique traditionnelle de riziculture
Les principes conceptuels du SRI sont i. Favoriser établissement rapide et sain des jeunes plants, ii) Réduire la concurrence entre les plantes, iii) Créer des sols fertiles riches en matière organique pour favoriser la vie aux microorganismes, iv) Gérer l’eau avec soin, éviter les inondations et les stress hydriques, pour un développement harmonieux des plantes. Quelle différence avec la pratique courante ? Le tableau ci-dessous nous le résume si bien.
Avantages |
Contraintes |
Economie de semence de plus 80%; Economie d’engrais; Economie d’eau environ 35%; Economie de Main d’œuvre dans le désherbage plus de 70%; Economie de temps dans le cycle de production 2-3 semaines; Augmentation de rendement de 35- 100%; Coûts de production par Kg très faible (économie de semences, engrais, gas-oil, main d’œuvre). |
L’Utilisation en Quantité de la fumure organique; Les opérations de repiquage sont minutieuses pour le début; Le planage est indispensable; La disponibilité des équipements comme la sarcleuse et la barre de nivèlement. |
Autres avantages du SRI
- Améliore la productivité ;
- Augmente le surplus
- commercialisable ;
- Augmente le revenu ;
- Assure la gestion durable des sols ;
Constitue une réponse au changement climatique.
7. Intérêt du SRI
Le SRI est introduit au Togo en 2011 par l’ONG GRAPHE après que son Président, Jean Apedoh, ait découvert la technologie au premier forum de ECHO West Africa en 2010 à Ouagadougou.
Vue l’efficacité de cette technologie, GRAPHE en collaboration avec ses partenaires, notamment le projet EATP de l’USAID, le Corps de la Paix des Etats Unis d’Amérique, dans le cadre du projet USAID West Africa Food Security Partnership et Cornell University, l’a adopté comme outil de la promotion de la sécurité alimentaire au Togo. Compte tenu du potentiel rizicole dont regorgent les régions maritime, des Plateaux et les régions centrales nous les avons choisi pour y démarrer la promotion du SRI.
Pour ce faire, une recherche opérationnelle a été lancée en 2011 dans quatre localités au Sud du Togo : Kpelé-Toutou, Bémé et Guebakui-Lazardkopé (Région des Plateaux) puis Ativimé (Région Maritime). Quinze parcelles ont été installées sur des sites rizicoles avec deux sous parcelles : une sous parcelle SRI et une sous parcelle témoin. Le tableau ci-dessus met en relief que le rendement moyen s’établit à 5,8 tonnes par hectare soit environ 6 tonne par hectare sur la parcelle SRI contre 3,1 tonnes par hectare sur la parcelle témoin soit une augmentation moyenne de 80 %. Les meilleurs rendements (6,8 tonne /ha soit environ 7 tonnes/ha) sont obtenus sur les parcelles avec maitrise de l’eau (Kpélé-Toutou, Bémé, Guebakui Lazardkopé) à l’exception de Ativimé ou la sous parcelle SRI a été régulièrement inondée. Le tableau ci-dessous met en relief les résultats des récoltes en 2011 (Tableau 1).
Tableau 1. Résultats des récoltes en 2011 | |||||
---|---|---|---|---|---|
Localité | Variété | Rendement moyen SRI, kg/ha | Rendement moyen Témoin, kg/ha |
Taux d’augmentation (%) | Observation |
Kpélé-Toutou |
Chapeau vert |
6799 |
3436 |
98 |
Riziculture irriguée |
Bémé | IR 841 |
6815 |
3563 |
91 |
Riziculture irriguée |
Guebakui-lardkopé | IR 841 |
6802 |
3532 |
93 |
Bas-fonds aménagé |
Ativimé | IR 841 |
2877 |
2069 |
39 |
Parcelles SRI inondées par les crues du fleuve Zio |
5823 |
3150 |
80.25 |
L’expérience de 2011 a permis de constater que le rendement est proportionnel au nombre de talles comme le montre le graphique ci-dessous. En effet, le nombre moyen de talles des parcelles SRI est supérieur à celui des parcelles témoin. Les riziculteurs ont trouvé l’expérience intéressante car la technologie SRI permet réellement de doubler la production en utilisant peu d’intrants (Tableau 2).
Tableau 2 : Paramètres de rendement des parcelles SRI et témoin en 2011 | ||||||
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Traitement |
Rendement T/HA |
Erreur type |
Nombre de talles/poquet
|
Erreur type |
Nombre de Epi/poquet
|
Erreur type |
SRI |
6,08 |
0,39 |
19,83 |
0,53 |
14,87 |
0,43 |
Témoin |
3,25 |
0,16 |
12,76 |
0,21 |
7,76 |
0,07 |
|
Longueur Epi cm |
Erreur type |
Nombre de graines/epis
|
Erreur type |
Nombre de graines vides |
Erreur type |
SRI |
97,92 |
0,3 |
164,29 |
2,96 |
37,25 |
0,94 |
Témoin |
46,34 |
17,39 |
109,55 |
2,33 |
28,42 |
1,18 |
En 2012-2013 une intensification de la promotion du SRI a été amorcée sur l’ensemble du territoire togolais avec un accent particulier sur les régions Maritime, des Plateaux et Centrale (qui présentent des atouts indéniables pour son application) grâce à l’appui du Programme de Productivité agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO) et le soutien technique de ECHO West Africa.
Soulignons que le projet régional USAID E-ATP et le Corps de Paix se sont appuyé sur le travail de GRAPHE pour la dissémination de la technologie en Afrique de l’Ouest, par l’organisation des formations des formateurs (ToT) au Nigeria, Ghana, au Sénégal, au Burkina Faso, au Bénin et au Togo.